« Qu’est ce qui s est passé pour que le Sénégal, quintuple vainqueur de l’épreuve (1968, 1972, 1978, 1980 et 1997), un des favoris du 24e championnat d’Afrique masculin des nations de basket, soit éliminé au premier tour, dans un groupe B qu’il partageait avec l’Egypte (1er), la Côte d’Ivoire (2e) et le Mali(4e) pour finalement terminer 9e sur 16 nations ? ». Cette question a été moult fois posée pendant plus d’une dizaine de jours à votre serviteur, à tous les coins de rue, hôtels, stades, centres de presse, par des dirigeants, techniciens, observateurs, joueurs et même simples supporters.
Ce questionnement, cet étonnement des gens sur le plus mauvais classement des « Lions » en 22 participations au championnat d’Afrique masculin des nations de basket (9e sur 16) témoignent de la considération, du respect pour ne pas dire la frousse que El Hadj Ndoye et compagnie inspiraient à l’Afrique du basket en Angola.
Jugez plutôt par cette confidence d’une voix très autorisée. « Pour faire de meilleurs résultats que la place de 9e acquise au championnat du monde 2006 au Japon, aux prochains Jeux olympiques de Pékin, il nous faudrait des joueurs de plus de 2,10 m. Si l’on nous permettait de sélectionner des joueurs nigérians ou sénégalais, cela ferait l’affaire ». Alberto Do Carvalho, le coach des nouveaux champions d’Afrique, les Angolais, envie au pays des « Lions » son potentiel. Ses tonnes de talent. Pardon, sa matière première. Ses femmes et ses hommes dont les mensurations répondent aux normes, aux critères du jeu de la balle au panier contrairement aux Angolais qui sont des Bantous (ethnie où l’on trouve rarement des gens de plus de 2 mètres). D’autant plus que depuis 1980, date de la plus grande émigration des basketteurs sénégalais vers le France (Mathieu Faye, Abrdourahmane Ndiaye « Adidas 1 »), le Sénégal est le pays du continent noir qui compte le plus grand nombre de joueurs de qualité dans la diaspora. De la plus select ligue de basket du monde, la NBA, où il est le pays africain le plus représenté avec trois pensionnaires (Ngagne Desagana Diop à Dallas Mavericks, Pape Sow à Toronto Raptors et Saer Sène à Cleveland), au Mexique (Boubacar Aw) en passant par les plus grands championnats européen , l’Espagne (Sitapha Savane et Boniface Ndong qui a quitté la Russie pour Malaga), la Turquie (Mamadou Ndiaye), la France (Malèye Ndoye, Kabir Pène et autres ), ils sont légion ceux qui contribuent actuellement à la reconnaissance du label sénégalais. Pourquoi, malgré ce gisement d’or, le Sénégal version masculine n’a gagné qu’un seul métal précieux depuis 27 ans (en 1997 à Dakar), se contente le plus souvent d’accessits (le dernier 2e en 2005 à Alger), avant de plonger tout dernièrement en Angola (9e sur 16) dans les profondeurs abyssales du classement continental ?
Une foule de raisons de ce énième gâchis parmi lesquelles six (l’impréparation, la défection de joueurs majeurs, le cas du coach Sam Vincent, la faillite collective et individuelle, l’absence de véritable meneur de jeu de classe, de leader et tutti quanti) nous paraissent les plus importantes.
Une administration informelle pour gérer des professionnels
Tel un serpent de mer, l’absence de maîtrise de l’élite expatriée par l’administration du sport en général celle du basket en particulier, revient depuis plus d’une décennie au grand dam des pratiquants et des fans. Le manager général des « Lions », Amadou Gallo Fall dont l’expertise est reconnue partout (il est par ailleurs vice-président chargé des relations internationales et directeur du scouting des Dallas Mavericks en NBA) a beau se démener comme un beau diable, ratisser large pour trouver les meilleurs basketteurs sénégalais éparpillés à travers la planète (Japon, Russie, Allemagne, France, Etats-Unis, Mexique, Allemagne, Qatar), trouver un coach de qualité, l’Américain Sam Vincent, des matches de préparation contre des pays de grand standing (à Dallas et à Milan), un grand sponsor Nike, il ne saurait tout faire.
Comment expliquer qu’une équipe nationale de la dimension de celle du Sénégal soit bloquée à Dakar pendant plus d’une dizaine de jours et ne puisse rallier les Etats-Unis pour son premier stage de préparation (du 1er au 20 juillet) pour une question de visa ? Conséquence : des rencontres de préparation qui devaient opposer le Sénégal à la présélection incomplète à des sparring-partners, seule celle contre la Belgique et fut livrée. D’ autres formations qui étaient au programme dont la sélection américaine des moins de 20 ans, vice- championne du monde en Serbie et la Chine furent zappées.
Après les impairs de l’épisode américain, bis répéta. Les « Lions » qui étaient revenus à Dakar (on ne sait pourquoi) devaient se rendre en Italie via la Tunisie où ils étaient invités à un tournoi avec 4 matches à livrer, 2 contre le pays hôte et 2 face au Maroc. L’obtention tardive du visa pour l’Italie bloquera pendant cinq jours les « Lions » dans la capitale sénégalaise. Finalement, sous la direction des adjoints de Sam Vincent, l’Américain Craweford Coleman, les Sénégalais Moustapapha Gaye et Cheikhou Diouf, la sélection ne livrera finalement qu’une seule rencontre contre la Tunisie (69 68). Heureusement qu’en Italie, dans un tournoi de très haut niveau, avec la présence de valeur étalon du basket européen voire mondial (Italie, Serbie, Australie, Autriche, Turquie), les « Lions » sous la direction de leur coach américain Sam Vincent, avaient perdu toutes leurs rencontres et ont pu à cet instant déjà mesurer l’écart qui les séparait d’une nation qui pouvait se hisser au sommet du continent.
Résultat des courses pour des demandes de visa qui n’ont pas été exprimées à temps (les représentations diplomatiques n’ont aucune responsabilité dans cette situation), les vice-champions d’Afrique en titre, n’ effectueront que 22 sur les 45 jours de préparation prévus. Pour une formation dont certains non seulement faisaient leur baptême du feu en sélection (Pape Laye Sow, Mohamed Faye, Ahmadou Bamba Fall, Mamadou Boumy Seck), mais aussi faisaient pour la première fois la connaissance de leurs nouveaux coéquipiers, l’alchimie collective espérée avait pris du plomb dans l’aile.
Les relations entre joueurs aux egos surdimensionnés ne pouvaient être huilées. Le ver était déjà dans le fruit.
Le « cas » du coach Sam Vincent
La fédération sénégalaise par la voix de son président, Alioune Badara Diagne, avait rassuré quant à la présence du coach américain des « Lions », Sam Vincent, en Angola. Quand en avril 2007, l’ancien occupant du « banc » des sélections masculines (au championnat d Afrique 2005 à Alger, 3e, et au championnat du monde 2006 au Japon, 14e) et féminine (aux Jeux olympiques 2004 à Athènes) du Nigeria, acceptait de conduire les « Lions » pour la préparation et la participation au 24e championnat d’Afrique masculin, il était assistant coach aux Dallas Mavericks. Dans son contrat de trois mois avec le Sénégal, il était stipulé qu’il toucherait 50 000 dollars américains (environ 25 000 000 de francs Cfa). Le versement de cette somme devait se faire selon les traites suivantes : 15 000 dollars le 1er juillet, 20 000 dollars au tournoi de Milan et de 15 000 dollars en Angola
Le successeur d’Abdourahmane Ndiaye « Adidas 1 » à la tête des « Lions » avait promis d’emmener avec lui un assistant coach, Craweford Coleman, un préparateur physique et un kiné qu’il paierait lui même, ce qu’il a fait.
Dans les derniers jours de mai, son ancien coéquipier aux Chicago Bulls, le meilleur joueur de basket de tous les temps, Michael Jordan, propriétaire des Charlotte Bobcoats en Nba, avait décidé de lui confier les rênes de sa franchise. Avec son nouveau statut de coach titulaire, il avait davantage de responsabilités. Il était devenu celui qui devait recruter, préparer (à partir de la Summer League de juillet surtout) Charlotte pour un bon comportement pour la saison 2007 - 2008 en Nba (qui débute comme depuis 1947 le premier mardi de novembre). Malgré cette nouvelle donne, il n’avait jamais démissionné de son poste chez les « Lions », espérant sans doute réussir avec eux ce qu’il n a pas pu faire avec l’autre pays africain au grand potentiel, le Nigeria. Pour son déplacement en Angola, Sam Vincent aurait souhaité disposer d’un billet Etats-Unis - Italie - Etats-Unis - Angola. Car, il devrait après retourner le 11 ou le 12 août aux Etats-Unis, avant de rejoindre les « Lions » le 16 du même mois en Angola. Mais il n’eut pas le routing souhaité et pour retourner chez lui, il aurait déboursé 3000 dollars de sa poche. Mettez-vous à la place de quelqu’un dont, jusqu’en début août, le contrat proposé en Anglais n’avait même pas encore été, selon nos informations ... traduit, avant même d’être respecté. N’empêche, le coach des « Lions » aurait pris l’engagement d’arriver à Luanda pour les quarts de finale. Malheureusement pour cinq petits points (2 contre la Côte d’Ivoire 63 - 65 ; et 3 face à l’Egypte 63 - 66), le Sénégal qui avait surclassé le Mali d’entrée (85 - 70) qui, à son tour, se défaisait de l’Egypte avant de s’incliner face à la Côte d’Ivoire, restait à quai à Lubango. Au lieu de Luanda où les « grands » du continent avaient pris rendez-vous, ce sont les férus de basket de Benguela qui eurent la très agréable et inespérée chance de voir évoluer les vice-champions d’Afrique.
Passées l’amertume et l’immense déception d’une élimination prématurée, les sportifs sénégalais doivent avant de rejeter la responsabilité sur Sam Vincent, savoir que leurs autorités n’ont pas respecté le contrat qui aurait dû lier le coach américain à leur équipe nationale. On ne peut pas avoir des exigences, imposer à celui dont on n’a pas respecté les droits, d’accomplir ses devoirs.
Que représente 50 000 dollars (25 millions de Cfa) à se partager entre 4 personnes (Sam Vincent, l’assistant Craweford Coleman, le préparateur physique et le kinésithérapeute) devant les 2 millions de dollars (environ 1 milliard de Cfa) que Sam Vincent pourrait gagner avec Charlotte en Nba ? Peut-on risquer de s’aliéner la collaboration avec Michael Jordan, pour une équipe dont les responsables ont du mal à respecter leurs engagements ?
Par notre envoyé spécial en Angola El Hadj Mamadou DIOUF