Au terme d’une finale aussi intense que brouillonne, le champion saint-pierrois a conservé son titre hier à Saint-Leu, en s’imposant (70-57) face à un BCD valeureux mais crucifié (10-19) dans l’ultime quart-temps.
“Rasta Vibration.” C’est ce qu’on pouvait lire sur les tee-shirts d’échauffement des Saint-Pierrois, hier à Saint-Leu, quelques minutes avant le coup d’envoi de la finale et la défense de leur titre face au challenger bécédien. “C’est un ami, Maaz, qui nous a prêté ça dans l’espoir que ça nous motive un peu. Vu qu’on n’avait pas de tee-shirts de chauffe, on a mis ceux-là”, explique Laurent Parata. Il faut croire que ladite vibration “rasta” a porté chance au tenant du titre, en veilleuse pendant trois quart-temps (47-51, 30e) puis subitement ranimé dans un “money-time” à sens unique (10-19). Hier pourtant, on a longtemps cru le BCD capable de mettre à terre le champion. Sur la feuille de match, l’effectif dionysien, renforcé par l’arrivée de l’athlétique Mc Davy Sida Abega, avait déjà fière allure. Dès les premiers instants de la partie, la troupe de Georges Assassa démontre qu’elle a les armes pour faire mieux que résister, passant un 7-0 (3e) à des Sudistes qui perdent le nord. D’une maladresse incroyable - peut-être due, aussi, à la rigidité des arceaux saint-leusiens -, les deux équipes se ruent alors sous les panneaux, proposant une fin de période musclée aux 250 spectateurs. Les faits marquants du premier acte ne sont pas légions : Sida Abega inscrit ses trois premiers points sous les couleurs dionysiennes (6-16, 8e), Dubard sort à la suite d’une béquille de Refitaha.
Le poison “Boykins”
Le tout présage d’un deuxième quart intense. Bingo. D’entrée, Parata vient dunker sur la tête de Fred Payet, histoire d’être sûr que même sans sa touffe, son crâne touche toujours l’arceau (19-19, 14e). Bitor (16 points en première mi-temps) hausse ensuite le ton, permettant au BCD de virer en tête à la pause (31-34). Mais à quel prix ! Dans la bataille, les Dionysiens ont gaspillé des munitions : 4 fautes pour le guerrier Refitaha, 3 pour Toussaint, Botterman et Payet et 17 au total, contre seulement... 7 à Saint-Pierre. Surtout, sans avoir rien montré, le champion reste à l’affût. Tel un lion qui scrute sa proie. Le scénario se répète au retour des vestiaires. Le BCD se montre incapable de faire le trou malgré l’adresse du duo Clain-Botterman. Si Saint-Pierre continue de bafouiller son basket, ses individualités fortes (seuls Tissier, Dubard et Parata marquent dans la période) lui permettent de rester au contact avant l’assaut final. Car hier, quand le lion a daigné se réveiller, il a rugi. Très fort. Dès l’entame de l’ultime quart, les coups de griffes de Tissier (7 pts) et Parata (6) ont eu raison de la générosité adverse. Bilan : entre la 29e (shoot au buzzer de Duchemann) et la 36e minute (2/2 de Clain aux lancers-francs), le BCD a encaissé un cinglant 17-0 dans les gencives, terminant K.O. debout un match qu’il avait jusque-là dans les gants. Manque de fraîcheur physique ? D’expérience ? Il semble tout simplement que comme samedi dernier en championnat (75-69), Saint-Pierre s’est “contenté” d’appuyer là où ça fait mal. En l’occurrence pour le BCD, au poste de meneur. Hier, Biscou, Ducheman et Lau-Wen-Taï se sont succédé à la mène. Tous les trois se sont empalés sur le pressing haut adverse, matérialisé par la hargne du poison Ludovic Aragot, affectueusement surnommé “Boykins” (du nom du meneur Earl Boykins, 2e plus petit joueur de l’histoire en NBA) par ses coéquipiers. Voilà. Avec ce succès (71-57), Saint-Pierre a ajouté hier une pièce à son armoire à trophée, laissant le BCD à ses regrets et à la poussière qui commence à s’accumuler dans la sienne. À chacun ses objectifs, désormais. Pour les Dionysiens, la Poule des As. Pour les Saint-Pierrois, le choc face au Tampon samedi prochain, et à moyen terme, une revanche face aux Mahorais le 8 décembre en finale de la zone océan Indien. Le lion n’a pas fini de rugir. C’est peut-être ça, la vibration rasta.
François-Xavier Rougeot
- FICHE TECHNIQUE Hier au gymnase de Saint-Leu. Saint-Pierre BB bat BC Dionysien 71 à 57 (31-34) (15-19, 16-15, 16-17, 10-19). Arbitres : MM. F. Lauret et F. Maillot. Spectateurs : 250 environ.
• Saint-Pierre BB : L. Tissier 11, A. Dubard 13 (dont deux 3 pts), L. Parata 18, J. Minatchy 7, I. Panchbaya (cap.) 0 puis D. Landry 8, N. Lebon 0, O. Chane-Ky 3 (dont un 3 pts), L. Aragot 6, J. Clain 4. Entraîneur : Fred Robert.
• BC Dionysien : S. Biscou 0, L. Bitor 18 (dont trois 3 pts), K. Botterman 10, A. Clain 12, F. Payet (cap.) 2 puis A. Refitaha 1, Y. Duchemann 5 (dont un 3 pts), Mc D. Sida Abega 5 (dont un 3 pts), S. Toussaint 4, M. Lau-Wen-Taï 0. Entraîneur : Georges Assassa.
- ILS ONT DIT...
- SAINT-PIERRE BB • Fred Robert (entraîneur) : “Émotionnellement, c’était une belle finale. Dans le scénario aussi : on ne se démobilise pas et à un moment donné, on lâche les chevaux. Ça récompense beaucoup de galères et de prises de tête. Désolé de le dire, mais en ce moment, la logistique dans le club craint un peu. On est encore à la limite, mais là, progressivement, on se retrouve. Samedi prochain, ça va être dur. Au moins, on a déjà remporté un trophée, on va jouer plus libérés.”
• Alexandre Dubard (arrière) : “On a gagné au mental. Surtout, avec les jeunes, comme le petit Ludovic (Aragot), qui a fait un gros travail défensif devant et qui a perturbé leurs meneurs. Comme tous les clubs, on a pleins de soucis. Il faudrait que tout le monde y mette du sien au club, que ce soit les joueurs, l’entraîneur ou l’encadrement. Aujourd’hui, le sportif a pris le dessus.”
• Laurent Tissier (meneur) : “Comme toute l’équipe, j’étais un peu endormi en première mi-temps. Ce n’était pas une belle finale, plutôt une finale défensive, comme on s’y attendait. Je suis content, car nous avons gagné dans la douleur et ensemble. C’est mon premier titre avec Saint-Pierre et ça ne fait que commencer.”
• Ludovic Aragot (meneur) : “Il fallait aligner la grosse défense. En temps normal, c’est mon job principal. J’ai essayé d’amener un petit plus, de fatiguer leurs meneurs, c’est ce qui amène une bonne ambiance ensuite. Je pense avoir fait mon job.
• Laurent Parata (ailier) : “Le BCD a commencé fort physiquement et n’a pas tenu. C’est une très grosse équipe, je plains ceux qui vont les croiser. Ils ont brûlé leurs dernières cartes en alignant deux mutés et un -21 ans.”
- BC DIONYSIEN • Georges Assassa (entraîneur) : “Il nous manque un meneur. Pendantl’intersaison, j’avais déjà fait la remarque. On a des meneurs, ils font de leur mieux, mais ceux de Saint-Pierre sont d’un autre gabarit Mais notre route ne s’arrête pas là.”
• Kay Botterman (ailier) : “Les Saint-Pierrois sont prenables, mais ils ont su nous attaquer sur notre point faible, la montée de balle. Nous avons craqué sous la pression.” Ludovic Bitor (ailier) : “Après trois bons quart-temps, nous n’avons pas su gérer la balle. Comme samedi dernier, il y a eu vachement de pertes en montée de balle.”
• Sébastien Biscou (meneur) : “On était 3 meneurs aujourd’hui, ce n’est pas normal. C’est le choix de coach. Il faut toujours une hiérarchie à ce poste. Là, il n’y en a pas. C’est le problème depuis deux ans. Le 17-0 a été humiliant, on aurait dû arrêter la série par un temps-mort. On n’a pas été lucides, c’est dommage.”
- VU DES TRIBUNES • Yolaine Costes (présidente de la Ligue) : “Au niveau du jeu, c’était un peu brouillon au départ. Ensuite, l’expérience a parlé. Ibrahim (Panchbaya) a effectué un travail de fonds, en défense notamment, comme il sait le faire. Il a tenu la maison jusqu’à ce que Tissier s’enflamme.”
• Harry Sépéroumal (entraîneur des filles du BCD) : “Je n’ai pas aimé les deux premiers quart-temps. Ensuite, au jeu du chat et de la souris, Saint-Pierre l’a emporté. Ce qui m’a impressionné, c’est la capacité des Saint-Pierrois à se relancer, à se remotiver et à mettre la pression sur leur adversaire. Cette pression, on ne l’a pas supportée.”
• Miguel Ramirez (entraîneur de la Tamponnaise BB) : “Les joueurs du BCD ont mouillé le maillot, ça a fait plaisir à voir, mais ils n’ont pas su trouver la solution dans le dernier quart. Si les Saint-Pierrois avaient perdu cette finale, ils seraient venus chez nous avec la peur au ventre. Samedi prochain, ça ne sera pas la même équipe, Bigot et Séry devraient revenir.”
• Laurent Dreyfuss (entraîneur du BC Saint-Leu) : “Les joueurs du BCD ont fait mieux qu’opposer une résistance. Ils leur manquent un meneur, ils ont explosé sur le pressing adverse. C’était bien au niveau de l’intensité. Par contre, ça s’est plus joué comme un derby. C’était plus une finale à l’énergie qu’une finale technique et tactique.”
• Matthieu Géréone (pivot du CS Portois) : “Au début, quand j’ai vu le BCD mener 7-0, je me suis dit que les Saint-Pierrois avaient une baisse physique ou morale, mais ils se sont bien rattrapés par la suite. Ils ont juste élevé le niveau défensif en fin de match et le BCD s’est affolé. En gardant leur calme, ils auraient pu gagner.”