RUN BALL - Cela devait être un monumental événement, et globalement, le Run Ball a été réussi. Même s’il reste perfectible.
Il est toujours un peu compliqué de critiquer la réussite ou non d’une organisation réalisée par de valeureux bénévoles, qui n’ont pas grand chose à gagner dans l’affaire. Car le Run Ball était bel et bien porté par des hommes et des femmes qui ont pris du temps dans leurs vies personnelles et professionnelles, juste histoire de faire plaisir au reste des Réunionnais. Mais à l’heure du bilan, il faut bien remplir la colonne des choses réussies d’un côté, des couacs de l’autre. Qu’on se rassure tout de suite, l’impression générale est bonne.
Sur le papier, un truc de fou Lors des premiers soubresauts du Run Ball, il y a quelques mois, deux équipes professionnelles (Pau et Poitiers) étaient annoncées, en plus de la présence de Boris Diaw. Pau ayant préféré se désister pour ne pas à avoir à amener une équipe bis, les organisateurs ont dû faire du rafistolage. Mais au lieu de remplacements de fortune, les bénévoles, par le biais du carnet d’adresse de Boris Elisabeth-Mesnager, ont créé de toutes pièces un groupe hyper talentueux. Trois joueurs NBA au final (même si Rony Turiaf n’a pas joué), et quelques uns des meilleurs joueurs Français de Pro A (Rupert, Monclar, M’Baye, Joseph, Diarra…), un entraîneur de classe (Claude Bergeaud) et deux arbitres de très haut niveau. Avec, aussi, une équipe qui a terminé au stade des quarts de finale du championnat de Pro A. Sauf à réussir à faire venir une équipe 100% NBA, les noms couchés sur la feuille de match ne pouvaient être plus ronflants. La réussite du Run Ball est là : avoir réuni ces gens-là.
Accessibilité et patience Avoir des noms, c’est bien. Mais c’est prendre un risque, aussi : les grands sportifs qui se pointent à la Réunion ne sont pas toujours conscients de ce qu’ils représentent et du bien que peuvent apporter leurs simples sourires. Par le passé, Cédric Pioline, Laure Manaudou, Karim Benzema ou même plus récemment, l’équipe de France de foot ont déçu par leurs comportements distants et hautains. Or, ces derniers jours, les joueurs pros de basket ont été exemplaires. Se pliant sans broncher aux contraintes des séances de dédicaces, des photos, ils ont en plus échangé avec le sourire avec les enfants. Poitiers a même fait le voyage, jeudi matin, à Sainte-Marie, pour une séance de dédicaces avec les jeunes du club. Samedi soir, bien après le match, les joueurs signaient encore des maillots. Si une personne n’est pas repartie avec son autographe de Diaw ou de Turiaf, c’est vraiment qu’elle n’en voulait pas.
Pas au taquet, mais du mieux qu’ils ont pu Le Run Ball n’étant pas qu’une séance de dédicaces d’une semaine, il faut bien parler de jeu, aussi. En pleine intersaison, il est bien évident que des joueurs en vacances ne pouvaient pas être à leur meilleur niveau. Si, en plus, on imagine des joueurs pros (et surtout ceux de NBA) qui ne doivent surtout pas se blesser, ceci explique le peu d’engagement constaté lors des matches. Diaw, surtout, a joué prudemment. Mais il a été là, sur le terrain, et a fait du mieux qu’il a pu. Les matches auxquels les joueurs invités ont participé ont été d’ailleurs de belles parties. Les néophytes retiendront les dribbles de Joseph, les dunks de Diawara, les shoots de Maynier. Les connaisseurs, en plus, auront remarqué les systèmes poitevins, et la manière de défendre sur l’homme des joueurs du Team Pro A. En individuel, c’était assez effrayant. Pas au top de leur niveau ? Certes. Mais déjà, quel beau jeu !
Les Réunionnais ont joué le jeu Surclassés mercredi, les joueurs réunionnais n’en ont pas pour autant oublié de s’amuser un peu. On retiendra donc les beaux gestes de Yannick Doro à Saint-Joseph, la volonté de Stan Irigaray, et tout un tas de petites actions sympathiques. Samedi, il y avait malgré tout de la rivalité sur le terrain entre le Nord et le Sud. Moins libérés, les joueurs ont eu beaucoup de déchet, mais ont proposé un lever de rideau agréable. Et puis, toujours chez les Réunionnais, il ne faut pas oublier la performance de Kay Botterman sur le concours de dunks. Même Turiaf a été bluffé, et sur ses gestes, il a mis un coup de chaud à tout le stade. La star réunionnaise, c’est lui. Il a aussi contribué à faire du Run Ball quelque chose de bien.
Le public, le hic Objectivement, le public restera comme le point noir de ce Run Ball. 2000 personnes au stade de l’Est, on dira ce qu’on voudra, c’est décevant. Moins que pour les finales de handball, moins que pour les rencontres France-Chine de volley, moins que pour le moindre gala de boxe thaïe… Cela pose une question : la Réunion a-t-elle un public pour le basket ? Les salles tamponnaises, dionysiennes, sont remplies pour les finales. Mais cela amène quelques centaines de spectateurs. Faut-il mettre en cause le prix des places ? 19 euros, samedi, pour voir des matches entre joueurs professionnels, cela ne semble pas excessif. Mais vu le nombre de personnes qui sont venues gratuitement sur invitation, cela devait donc être encore trop. Les tarifs préférentiels pour les licenciés et les enfants n’ont donc pas suffi à remplir un peu plus des tribunes clairsemées. A moins que Boris Diaw, Yakhouba Diawara, Thierry Rupert ou Georgi Joseph ne jouissent pas d’une aura assez importante sur notre île. Mais alors, impossible de faire mieux : leurs équivalents en football sont Thierry Henry, Nicolas Anelka, voire Sidney Govou. Et ils ont mis 10 000 personnes à Saint-Joseph. Les Réunionnais ne s’intéressent peut-être que bien peu au basket international. Autre preuve ? L’ambiance, qui s’est élevée à certains moments sous l’impulsion des animateurs, mais qui est restée feutrée. Pas de chants, peu d’applaudissements dans les travées.
Une organisation qui peut encore mieux faire Johan Guillou et l’association Gaston-Richardson ne sont pas des organisateurs d’événements. Faire ce qu’ils ont fait est donc en tous points remarquable, et pour une première, c’est une réussite. Mais si le Run Ball devait se pérenniser, il y aura des points à améliorer. La communication, surtout : des grandes affiches pour annoncer les soirées n’auraient pas été superflues (les organisateurs ont expliqué qu’elles n’avaient pu les réaliser pour des raisons de budget). Les séances de dédicaces n’ont jamais été communiquées au public, et, par exemple, il n’y avait personne à Saint-Pierre mercredi pour faire signer son maillot alors que Diaw et Turiaf étaient là pour cela. Avec une excellente animation, de la bonne musique, des danseurs, les matches ont été enrobés de moments plaisants. Mais là encore, il faudra faire attention aux horaires : lors des deux soirées, de gros retards ont été engrangés. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, après tout
Loïc Chaux