C'est un beau réquisitoire que le Manager général de l'Equipe nationale masculine fait pour un re-décollage du basket sénégalais en pleine crise. Amadou Gallo Fall est sur le point de s'envoler pour Dallas, mais s'arrête sur la terrasse de l'Hôtel Sokhamon pour dresser son plan Jaxaay pour sortir le basket masculin du gouffre angolais. Plus de communication, une écoute attentive pour les bonnes volontés et moins de titres pompeux. Le fondateur de Seeds Academy qui se la joue modeste, refuse de céder au satisfecit des 5 ans d'existence du projet Sports-Etudes logé au Cneps de Thiès, où les critères d'entrée ont été revus à la hausse. Normal, quand on vise l'Excellence. Dans cet entretien, il revient sur les performances (?) des Sénégalais de la Nba.
Amadou Gallo Fall, vous êtes le fondateur de Seeds Academy. Après quatre jours d'activités, quel est le bilan du Hoop-forum 2008 ? Nous avons beaucoup de motifs d'encouragements. Nos invités étrangers ont été très impressionnés par l'enthousiasme et l'engouement qui animent les jeunes pour la pratique de ce sport, et surtout par leur discipline. Et ils ont bien communié avec nos entraîneurs locaux qui ont participé en masse. Et nous nous félicitons du soutien de l'ensemble des acteurs du milieu du basket, notamment la Fédération sénégalaise de basket (Fsbb) et les autres mouvements qui s'occupent de la bonne tenue de ce sport. Et chaque année, l'événement s'améliore. Nous avons innové l'année dernière en invitant une équipe sud-africaine et cette année, l'équipe canadienne est venue de Toronto. Ils ont apprécié l'interaction et la chance qu'ils ont eue d'être coaché au fil de ces quatre jours par des sommités de la Nba, tel Sam Perkins qui est une référence en Amérique. On a encore un long chemin à faire. Et nous avons de grosses ambitions pour la jeunesse et le développement de notre communauté.
Après cinq ans d'existence, que faut-il parfaire dans la gestion de Seeds Academy ?
Cinq ans dans la vie d'une institution, ce n'est qu'une goutte d'eau dans la mare. Et pour ces 5 ans, on a noté quelque chose de spécial au niveau de l'organisation et la qualité des participants. Au début, par manque d'expérience, nous avons eu des difficultés dans le recrutement. On voit des jeunes qui ont tellement envie d'être aidés, on s'emporte dans la sympathie sans nécessairement aller au fond des critères de sélection. Dans le passé, il y a quelques cas, on a essayé de remettre à niveau des jeunes victimes d'une rupture sévère de scolarité alors qu'on n'était pas équipé pour traiter ces cas. Je ne dis pas qu'il faut les délaisser, mais nos ressources ne nous permettaient pas à l'époque d'agir dans le sens souhaité, c'est à dire d'aider ces jeunes à poursuivre leurs études jusqu'au baccalauréat. Aujourd'hui, nous sommes dit qu'il faut que les garçons soient au même niveau de préparation, sinon on va droit vers l'échec. Donc, cette année, nous nous sommes efforcés à mettre plus de critères dans le processus de sélection, avec des épreuves écrites, des tests psycho-techniques et des entretiens. Nous avons recruté 15 jeunes cette année et nous avons enregistré de superbes résultats au premier semestre. Nous devons aussi continuer à exposer nos entraîneurs à plus de stages à l'extérieur pour améliorer leur capital. Déjà, ils bénéficient des contacts des entraîneurs qui viennent sur place. Nous devons également amener nos joueurs à sortir et faire des tournées. Une manière de rendre la monnaie aux Sud-Africains et aux Canadiens qui nous ont invités. Ce sont des points qu'il faut améliorer, mais il y a des progrès énormes qui se sont manifestés.
Quelles sont vos attentes pour 2009 ?
De meilleurs résultats dans tous les domaines. Que les jeunes progressent sur le plan basket avec un bon bagage technique pour affronter les prochaines étapes de leur carrière. Et la prochaine étape sera de continuer notre collaboration avec d'autres collèges et institutions sportives. Mais surtout, que nos jeunes soient en compétition de manière régulière, qu'ils soient admis en championnat. Il est important que nos jeunes jouent régulièrement. Ils bénéficient de beaucoup de temps d'entraînement. Le grand facteur de développement se manifeste dans la compétition régulière.
Y a-t-il des projets de partage d'expérience avec d'autres académies Sports-Etudes ?
Il n'existe pas de liens formels. Mais nous avons été à l'Institut Diambars et ils nous ont accueillis à bras ouverts. Nous avons discuté et échangé, et ils ont spontanément répondu à notre demande en octobre. Nous sommes ouverts à collaborer. Nous collaborons avec l'Université de Thiès. L'avenir sera vers ces institutions qui s'activent dans le même environnement
Gallo, vous êtes aussi le Vice-président des Dallas Mavericks, chargé du recrutement, aujourd'hui est-ce que la valeur boursière du Sénégalais en Nba a baissé ?
Ce n'est jamais une question d'origine. L'origine du joueur importe peu. Le talent ne répond pas aux origines démographiques, ethniques ou culturelles…
Mais, il y a moins de Sénégalais dans la Nba ?
C'est cyclique. L'année dernière, on avait Pape Sow (Toronto Raptors), Ngagne Desagana Diop (Dallas), Sarer Sène (Seattle) et Cheikh Samb (drafté par Cleveland) qui jouait en Espagne. Cette année, si nous avons perdu Pape Sow, nous avons retrouvé Cheikh Samb dans les rangs de Detroit. Je dirais plutôt que le Sénégal a reculé en termes de visibilité. Il y a Ngagne (Desagana Diop) qui était visible avec les Dallas (67 matches gagnés) et qui était en train de faire l'histoire en jouant les play-off. Cela a changé cette année, mais je ne pense pas que cela ait un impact sur la valeur et sur notre cote. Peut-être que les circonstances font que nous n'avons pas de joueurs sénégalais en play-off en ce moment. Les play-off , c'est la crème de la crème.
Les Sénégalais sont devenus moins performants alors ?
Leur valeur et leur capacité n'ont pas diminué mais leurs équipes sont en deçà des équipes présentes en play-off. Ils ne sont pas dans les équipes qui jouent les grands rôles. Mais il y a le fait que Cheikh Samb est un jeune joueur, Ngagne est resté pendant quatre ans à Cleveland sans jouer à Detroit et c'est aussi un jeune joueur. C'est la même chose pour Saer Sène qui joue sa deuxième année à Seattle. C'est une équipe en phase de reconstruction. Dallas est également passé par là durant les trois premières années. Seattle, Cleveland et New Jersey sont des équipes en construction. Mais je vous assure qu'il y a un grand nombre de jeunes Sénégalais qui sont dans les Universités, et ils ont un grand impact dans ce championnat qui est l'antichambre de la Nba. Notre basket aura toujours cette aura à l'extérieur. Si les gens jugent par ce qu'ils voient dans les Universités et dans de grandes écoles, la cote ne baissera jamais. Avec l'ouverture des médias, les gens ont plus d'informations sur les joueurs. C'est dire que la valeur intrinsèque n'a pas diminué. Car les joueurs sénégalais sont prisés.
En tant que Manager général des Lions, avez-vous des nouvelles des Lions ?
J'ai toujours des nouvelles et cela n'a rien à voir avec une quelconque responsabilité du poste de Manager général. Leur carrière m'intéresse et ce qu'ils font également m'intéresse. Là, c'est une situation nouvelle pour moi. Quand on parle de manager général, je le prends au sérieux mais faudrait-il qu'il le soit dans les deux sens. Il faut qu'on soit au même niveau d'information. Ce n'est pas une question de hiérarchie, mais d'information. Nous tous, nous adorons ce pays. Tout ce qu'on fait, c'est par nationalisme.
Avez-vous eu des rencontres formels avec la Fsbb ?
J'ai eu des contacts. Mais c'était pour recadrer certaines choses parce que je me rends compte que c'est facile de se défouler sur autrui. Qu'on le veuille ou pas, nous sommes des acteurs. Il fallait redéfinir les rôles. Ce n'est pas dans ma nature de jeter des flèches. Mais, l'environnement est très difficile pour travailler. C'est une chose de créer un poste et c'est une autre de donner des outils par rapport à l'exécution des tâches. Par outils, je ne parle d'argent mais de programme et d'une concertation franche. Qu'il ait une direction, une vision afin que les gens sachent où ils vont. C'est ce qui a toujours fait défaut. Dans la situation actuelle, j'observe et j'analyse.
Avez-vous eu des réunions avec la fédération ou avec le Directeur technique national ?
Il y a eu des rencontres ! Il y a eu des discussions et je sais qu'il y a des échéances, mais je ne veux plus… (il ne termine pas la phrase). J'ai l'impression que le titre ne concerne que les sparring-partners et le sponsoring, Mais si c'est la seule description, il n'y a pas besoin de créer de titres pompeux qui ne créent que confusion dans l'opinion des gens. Cela, je l'ai toujours fait dans les coulisses sans avoir à être désigné du doigt quand les choses ne marchent pas. Dans mon entendement, c'est une responsabilité qui demande une certaine indépendance par rapport à certains choix. Par rapport au planning, au moins avoir un droit de regard, être entendu. Il ne s'agit point d'imposer des choix mais de participer dans une discussion. Et cela, je ne l'ai jamais senti. Dans cette situation, on refuse de faire des analyses sans complaisance. Ce qui fait qu'on répète les mêmes erreurs à chaque campagne. Il faut une discussion franche. Il faut que l'on se regarde dans les yeux et se dise les vérités en face. Mais pas qu'on se cache derrière des rideaux ou par personnes interposées. Tous les acteurs du basket veulent la même chose et regrettent le gâchis qui ne date pas de l'été 2007. A part 1997, c'est toujours la même histoire. Le potentiel et le talent sont là, mais les résultats ne suivent pas.
Aujourd'hui, il y a une impasse dans l'équipe masculine toujours sans coach. En tant que spécialiste, pensez-vous que le vide soit une bonne chose ?
Il faut savoir qu'aucune période d'incertitude ne peut-être une bonne chose pour une équipe. Mais peut-être qu'on a une petite fenêtre pour mieux réfléchir et aller dans la bonne direction, plutôt que de nommer un coach pour combler un vide. C'est une question sensible. Quand on n'a pas connu les résultats escomptés, il faut bien réfléchir. Mais en attendant, il faut qu'on mette des scénarii en place. Certainement le directeur technique a les moyes d'ajuster ses plans et d'entrer dans une dynamique de concertation et de recherche plus approfondie pour tomber sur le choix idéal de cette Equipe A. Dans l'immédiat, je ne pense pas que cela soit une catastrophe qu'un entraîneur ne soit pas nommé maintenant. Je sais que les éliminatoires se jouent avant mars 2009, mais ce n'est pas dans l'autre bout du monde. Il vaudrait mieux réfléchir sur la question et prendre les orientations qu'il faut. Si on prend du temps, pour trouver la solution, c'est bien. Mais si on prend notre temps pour prendre du temps, il y a un problème. Si on se précipite juste pour nommer quelqu'un, il y a problème aussi.
Pensez-vous qu'il faille un entraîneur dans la durée ou par campagne ?
Je pense qu'il faut toujours un entraîneur de haut niveau qui opère sur le territoire sénégalais. Il y a un travail qui doit se faire dans la durée. Mais ce n'est pas nécessairement un travail de construction d'une équipe. C'est plus un travail de développement, un travail de détection. Toutes ces dernières années, la plupart des joueurs de l'Equipe nationale évoluent dans des championnats étrangers. Ce qu'il faudrait, c'est plus une équipe d'espoirs qui travaillera à plein temps. Je crois qu'il y a un coach des A' qui a été nommé. Je salue cette initiative qui a été d'engager les jeunes dans le championnat d'Afrique de la Zone II des 16 ans et moins, qui vient de se tenir en Guinée Bissau (Ndlr : le Sénégal a fini deuxième derrière le pays organisateur). Et la même chose se dessine pour les U 18 ; c'est une bonne chose. C'est juste pour dire que j'observe mais je note qu'il y a des choses qui vont dans une meilleure direction. Dans tous les cas, je ne travaillerais plus dans les conditions de cet été (Août 2007 lors du championnat d'Afrique). C'est trop facile, je ne pointerais pas du doigt pour dire que c'est faute d'un tel ou de tel. Je ne verse pas dans ce jeu-là. Je n'ai pas peur qu'on me pointe du doigt. Je suis dans l'arène, c'est normal que je reçoive des coups. Mais, il faut une communication franche sinon ce n'est pas la peine de créer des postes. Je n'ai pas besoin d'un titre pompeux. De toute façon, ce que j'ai fait en 2007, je l'ai toujours fait en coulisses. Mon seul souci est de faire partie de la solution. Je n'ai aucune autre motivation, c'est pourquoi je ne me débine jamais. Je dirais que ce qui est arrivé en Angola, c'est la faute de tout le monde. C'est une vieille histoire et il est grand temps qu'une solution se dessine. Le problème est chronique et si on ne le reconnaît pas, cela veut dire qu'on se voile la face. On doit se remettre en cause, si on ne trouve pas la solution, nous revivrons la même situation l'année prochaine. Le drame, c'est qu'il y a plein de bonnes volontés. Il y a plein de gens qui sont animés de bonne foi et qui veulent œuvrer pour le développement du basket sénégalais. Ces bonnes volontés qui ont de l'expertise, doivent être écoutées. Leurs opinions doivent compter, elles doivent être prises en compte dans le sens de l'intérêt commun du basket sénégalais.
Mercredi 23 Avril 2008
Amadou Lamine NDIAYE