06 avril 2006

MAURICIE: Quand les Flippers de Mahébourg flippent…

Régionalisation. Un bien grand mot. Certainement de grands maux pour certaines formations qui ne parviennent pas à trouver des remèdes. À Mahébourg, les basketteurs des Flippers ne savent plus à quel saint se vouer. Vice-champions de Maurice de basket-ball en 2004 et 2005, ils ne reçoivent presque aucun soutien financier et doivent chaque saison tirer le diable par la queue pour avoir le nécessaire pour survivre. Pas un seul sponsor, ni du Sud ou de quelque autre région du pays ne leur a apporté une aide. Pascal Prayag et ses coéquipiers en sont donc réduits à se serrer la ceinture et obtenir le soutien de quelques amis pour pouvoir disputer des matches à Phœnix ou ailleurs. Et ne parlons pas des séances d'entraînement au centre de jeunesse de Mahébourg. Ce sont les joueurs eux-mêmes qui ont retapé les panneaux, soudé les anneaux de basket sur un terrain dont le goudron a fait son temps et où on ne voit plus les lignes de jeu… mais très clairement une ligne de téléphone trop basse qui traverse le terrain pour rejoindre le bâtiment du centre juste à côté et qui gêne ceux qui tentent des tirs lointains.

Le Mahébourg Flippers Basket-Ball Club a vu le jour en 1993. La plupart des membres de cette formation sont des jeunes de l'endroit qui ont voulu apprendre à jouer au basket et qui, à force d'abnégation, sont parvenus presqu'au sommet du basket mauricien, n'étant devancé que par l'intouchable Real de Port-Louis ces deux dernières années. Avec un nombre grandissant de jeunes de la région de Mahébourg se joignant à cette équipe, il fut décidé que le club s'affilierait à la Fédération mauricienne de basket-ball (FMBB). Ce qui fut fait en 1995. La belle histoire allait pouvoir commencer. Et les problèmes avec.

Débutant en 3e division, les Flippers allaient monter en 2e division en 1998 puis en 1ère division en 2000. Pascal Prayag, entraîneur et capitaine, et ses coéquipiers, motivés comme pas deux, visent alors plus haut. Mais il leur faut des moyens plus conséquents pour s'entraîner, s'équiper et jouer dans les différents gymnases du pays. Malgré diverses démarches auprès des sponsors, personne ne les aide. " On n'a jamais eu de sponsor et pourtant on a frappé à toutes les portes ", se lamente le vice-président des Flippers de Mahébourg, assis sur le terrain de basket du centre de jeunesse de la région. " Annuellement, nous dépensons plus de Rs 80 000, dont Rs 11 000 juste pour les arbitres. Le comble de l'ironie c'est que plus nous allons loin dans un tournoi, plus nous avons des dépenses. C'est à croire qu'il vaut mieux perdre pour avoir moins à payer. Il est vrai qu'on reçoit un grant de Rs 20 000 du ministère de la Jeunesse et des Sports annuellement, mais c'est loin de pouvoir suffire. " À côté de lui, ses coéquipiers acquiescent silencieusement. Un d'entre eux lance même : " Le mot d'ordre est de survivre. "

Basket = tracas

Pascal Prayag ajoute alors : " Personnellement, je commence à me décourager. On ne joue plus au basket pour le plaisir mais pour avoir des tracasseries. Et nous sommes pourtant les vice-champions de Maurice ! " Il nous montre alors le terrain de basket. " À Mahébourg il n'y a que trois terrains. Ici au centre de jeunesse, à Beau Vallon où les panneaux sont en lambeaux et à Pointe Jérôme où on doit payer Rs 350 par session d'une heure, mais le terrain n'est pas éclairé le soir. "

Au centre de jeunesse, le terrain est éclairé… par moments. " Parfois, les spots s'allument et s'éteignent n'importe quand. Incroyable ! " Le sol lui-même n'a pas été goudronné à nouveau depuis la création du centre. Les lignes de jeu sont assez effacées et on ne parle pas des panneaux de basket. Selon les joueurs de Flippers, s'ils ne mettent pas la main à la pâte, rien n'aurait été fait. " Il y a trois ans nous avons reçu de Faïda Antoine de Padoue (technicien national de basket) deux panneaux de basket. Nous avons également obtenu des anneaux que nous avons dû souder pour pouvoir jouer. Et à chaque fois qu'un se cassait nous avons dû le remplacer. " Et, actuellement, un des anneaux est cassé mais les basketteurs en ont marre. Alors, les séances d'entraînements, les mardis, jeudis et samedis entre 17h et 19h se jouent sur une seule moitié de terrain. Encore heureux que cette moitié de terrain ne voit pas une… ligne de téléphone traverser la clôture comme c'est le cas de l'autre côté. " Quand on tire à trois points il faut faire attention à ce que la balle ne touche pas cette ligne ", explique sans rigoler Pascal Prayag avant d'ajouter : " On a maintes fois demandé à ce que cette ligne passe ailleurs mais on nous a fait savoir qu'il y avait de longues démarches à effectuer. On a demandé l'aide du ministère de la Jeunesse et des Sports mais c'est resté lettre morte. Une époque on nous avait même promis de nous donner deux panneaux de basket en fibre de verre mais le seul jour qu'ils pouvaient être transportés à Mahébourg était le dimanche. Et le dimanche personne ne travaille ! "

Les joueurs de Flippers se regardent. On sent le découragement qui perce dans leurs regards. Ils ne pensent même pas à gagner leur vie à travers le basket mais simplement prendre du plaisir à jouer. Tout comme ces nombreux cadets et minimes de l'endroit qui sont ou ont été champions de Maurice ces dernières années. Mais comment y parvenir avec tous ces problèmes ?

" Si ça continue comme ça, il n'y aura plus de Flippers dans deux ans ", conclut, dépité, Pascal Prayag. Et certains continueront à dire que la régionalisation c'est la panacée pour le sport mauricien. Quand le remède fait souffrir mille maux à une équipe de la valeur de Flippers, il y a de quoi vraiment... flipper !

Palmarès des Flippers de Mahébourg

Création : 1993

Seniors

1995 : 3e de la 3e division

1996 : 4e de la 3e division

1997 : Vice-champion 3e division. Promu en 2e division

1998 : 3e de la 2e division

1999 : 2e de la 2e division. Promu en 1ère division

2004 : Vice-champion Super League

2005 : Runner-up Masters Tournament

Runner-up Republic Cup

Vice-champion Super League

2002 à 2005 : Champion de Grand Port-Savanne et Curepipe

Cadets

Champion national : 2001 à 2003

Vice-champion national : 2004 et 2005

Cadettes

Champion national : 2005

Minimes

Champion national : 2004 et 2005

Effectif seniors 2006

Gino Bader (président), Pascal Prayag (vice-président, entraîneur et capitaine), David Sookhun (secrétaire), Jean-François Babylone, Almonzo César, Amrit Beegwansing, Gary Jamala, Christophe Wong, Vincent Virginie, Gilbert Prayag, Bradley Grand Sable, Jonathan Grand Sable, Arnaud Vitry, Ronnie Nagloo, Rudy Sylvie, Ghansham Heerah, Cédric Dalais, Elvino Raphaël, Genaro Bhutoo, Désiré Laviolette, Nicolas Sadhoo, Gary Driver, Damien Lan Hing Kim et Bertrand Arlanda