Autrefois, réputée et même crainte pour la qualité de son basket-ball, la Centrafrique n’est plus aussi brillante que dans les années 60 et 70. Si les trophées se font de plus en plus rares du côté de Bangui, c’est sûrement dû à la mauvaise organisation des instances sportives nationales, mais c’est surtout dû à un cruel manque de volonté.
C’est vrai qu’il est souvent plus aisé de critiquer un système en étant loin des réalités locales souvent peu évidentes, mais, il faut reconnaître que c’est aussi juste et légitime de critiquer un système en ayant du recul. En observant, de près ou de loin, l’organisation du basket-ball centrafricain, les passionnés de ce sport seraient capables de se rendre compte des dysfonctionnements apparents.
La Fédération Centrafricaine de Basket-ball (FCBB) n’a évidemment pas autant de moyens financiers que la France ou les Etats-Unis, mais, avec le peu de moyens dont elle dispose et un minimum de bonne volonté, certaines choses simples auraient pu, et même dû être faites depuis bien longtemps. En quelques points, nous donnons notre avis sur ce que nous estimons être les principales raisons du déclin de basket-ball en Centrafrique.
Une formation insuffisante
Aujourd’hui, la Centrafrique produit de moins en moins de bons basketteurs, ce fait a certainement un rapport avec le niveau de formation et l’absence de formateurs dans le pays. Si la formation de joueurs centrafricains est pratiquement bâclée, c’est sans doute parce que les techniciens du basket-ball eux-mêmes n’ont pas été correctement, voir pas du tout, formés. Il est évident que pour bien former, il faut avoir été bien formé. Certains clubs ambitieux ou quelques bénévoles organisent des camps et des sessions de formations ponctuelles, mais la FCBB n’a toujours pas réussi à mettre sur pied un grand camp de détection ou un centre de formation comme c’est le cas au Sénégal, Mali et maintenant en RDC.
Comment la Centrafrique peut-elle se passer de coachs étrangers, si, non seulement, elle ne forme pas de cadres techniques, et en plus, n’arrive pas à faire confiance aux quelques techniciens centrafricains qui ont la capacité de prendre les rênes de leur équipe nationale ?
Avec l’avance que la Centrafrique avait sur ces voisins, elle aurait du devenir la référence régionale dans le domaine de la formation de basketteurs (à partir 6 ans par exemple). Avec des Tchadiens, Congolais, ou encore Camerounais (joueurs potentiellement grands de tailles) se formant et évoluant à Bangui, le niveau du championnat aurait sans doute été meilleur. La FCBB aurait même pu entreprendre les démarches pour naturaliser les étrangers qui auraient souhaité devenir Fauves.
Un championnat affaibli
A l’époque où le Red Star Ndongo Club et Hit-Trésor marchaient sur le toit de l’Afrique, l’équipe nationale centrafricaine était essentiellement composée de joueurs évoluant dans le championnat national. Martin Ngoko, Gaston Gambor, Marcel Bimalé, et tous les autres Fauves champions en 1974 étaient banguissois. A quelques joueurs près, le constat est le même pour la génération 87. Aujourd’hui, les Red Star – Harlem des années 70, les palpitants Hit-Trésor – Red Star Ndongo Club, ou encore les ASOPT – A .S Mazanga des années 80, qui se jouaient autrefois à guichets fermés dans un Centre National de Basket-Ball (CNBB) plein à craquer comme un œuf, n’existent malheureusement plus. Les Banguissois qui avaient pour habitude de se rendre massivement au « Centre » ne veulent pas être témoins d’un championnat dont le niveau a considérablement baissé. Les joueurs de talent qui jadis assuraient le spectacle en faisant la totalité de leur carrière à Bangui, s’expatrient de plus en plus tôt à l’étranger et font les beaux jours des clubs gabonais, français ou marocains. Tandis que d’autres joueurs choisissent de poursuivre leurs études aux Etats-Unis, les quelques rares talents locaux, les « Ngba na Bangui » essayent de faire leur mieux pour séduire les quelques spectateurs. Le championnat masculin de la Ligue de Bangui ne possède plus de Ngoko, Kotta, Sanda ou Sato. C’est la raison pour laquelle son niveau est comparable à une National 3 française. En ce qui concerne le basket-ball féminin, il existe bel et bien un championnat, mais sa qualité est bien loin de ce qui peut se faire au Mali, au Sénégal, ou au Cameroun.
L’arrivée tardive des « mercenaires »
Depuis l’éviction de Rodrigue Mbaye en plein Afrobasket 2009 à Tripoli, les Fauves sont restés sans sélectionneur pendant près d’une année ! Finalement, lors d’un entretien accordé à Radio Centrafrique le 20 juin, Elvis Bomayako confirmait le choix d’Alvarez, un entraîneur espagnol recommandé par l’ancien Fauve Anicet Lavodrama. Depuis le début des années 2000, la FCBB a souvent fait le choix de privilégier les sélectionneurs étrangers. Jean-Paul Rebatet entre 2003 et 2005, Mario De Sisti entre 2005 et 2007, Michel Perrin 2007 et 2009, et maintenant Alvarez (qui n’a d’ailleurs toujours pas été présenté officiellement). Le manque de confiance et d’intérêt pour les techniciens locaux est regrettable, mais le principal problème reste « le timing » du recrutement et la durée du contrat de ce sélectionneur. Le sélectionneur des Fauves est souvent recruté à l’orée de l’Afrobasket, c’est-à-dire juste avant la préparation du tournoi de la zone 4 . Ce nouveau sélectionneur qui débarque comme un cheveu sur la soupe n’a absolument aucune connaissance du basket-ball centrafricain et encore moins des joueurs. Alors, comment fait-il pour faire sa sélection ? Il s’appuie très souvent sur les recommandations du staff technique existant pour essayer de dégager une liste de 15 à 20 joueurs sélectionnables. Sur quelles bases s’appuie alors le staff technique pour faire ces recommandations de joueurs? Depuis plusieurs années, elle s’appuie sur l’historique, c’est-à-dire la présence au sein de l’équipe nationale lors des compétitions précédentes. Il est clair qu’aucun joueur n’est vraiment supervisé ou suivi par le staff technique centrafricain tout au long de l’année. Ce qui signifie que les résultats et les performances des joueurs en club (de la saison en cours) ne garantissent malheureusement pas une sélection, ou même une présélection en équipe nationale.
Et comme le sort des sélectionneurs centrafricains est régulièrement scellé à l’issue de chaque Afrobasket (quel que soit le résultat de la compétition), alors ces « mercenaires » n’auront jamais pris le temps de connaître leurs joueurs. Avec cette logique à très court-terme, les résultats de notre basket-ball ne s’inscriront certainement pas dans la durée et la continuité.
Yassitoungou reviendra t-elle un jour ?
« On les battait…mais les arbitres étaient contre nous », « Avec deux grands, on gagne l’Afrobasket», « les Angolais ne sont pas si forts que ça, on peut les battre »… A défaut d’effectuer une véritable introspection sur les lacunes organisationnelles et la mauvaise mentalité qui gangrènent notre basket-ball, les responsables de la FCBB choisissent d’utiliser ces prétextes « bidons » pour expliquer les échecs des Fauves lors des compétitions internationales.
Pourquoi continuer de faire croire au peuple qu’avec une préparation et une organisation bâclées, les Fauves peuvent remporter la Coupe d’Afrique, c’est-à-dire faire revenir Yassintoungou ? Il serait peut-être plus honnête de revoir nos objectifs à la baisse par exemple (pour l’Afrobasket 2009, l’objectif fixé de finir sur le podium et de se qualifier pour la Coupe du monde 2010 était trop ambitieux). La belle « Yassintoungou » ne reviendra malheureusement pas dans ces conditions là !
Dans les années 60-70, la Centrafrique avait une grande avance sur les autres nations africaines; malgré une organisation qui n’était pas non plus parfaite, elle dominait ses adversaires et gagnait des titres. Aujourd’hui, cette avance s’est carrément atténuée. Pendant que nous dormons sur nos lauriers, le basket-ball africain s’est équilibré. Ainsi, des nations comme le Cap-Vert et le Rwanda ont émergé en faisant des progrès non négligeables ces dernières années. Quand au Cameroun et la Tunisie, ils nous battent déjà (Lors de L’Afrobasket 2009, la Centrafrique avait perdu contre le Cameroun, 79-69 ; et la Tunisie, 76-75).
Malgré tout, le retour de Yassintougou est toujours probable, à condition d’effectuer de véritables changements dans l’organisation de notre basket-ball. Est-il vraiment nécessaire de rappeler que nous n’avons plus fait de demi-finale d’Afrobasket depuis quasiment un quart de siècle (Demi-finale de l’Afrobasket 1987 à Tunis, Centrafrique 74 – Mali 73).
Une stratégie de communication inexistante
Aujourd’hui, le Centrafricain Romain Sato est sans doute le meilleur basketteur africain. Choisi, mais non retenu dans l’effectif par les Spurs de San Antonio en 2003, il a finalement fait carrière en Europe où il multiplie les titres et les distinctions en Série A italienne. Il vient d’ailleurs de signer un contrat de 3 ans (7.5 millions de dollars) au Panathinaikos (Grèce), l’un des plus grands clubs européens de basket-ball.
La FCBB a-t-elle pensé à profiter de l’image de cette icône centrafricaine (ancien pensionnaire du Red Star Ndongo Club) pour simplement se faire connaître ou nouer des liens avec des sponsors européens par exemple? A-t-elle pensé à mettre en avant la plus grande star internationale que la Centrafrique n’ait jamais connue? Tony Parker, Lebron James, Yao Ming et bien d’autres stars internationales sont toutes médiatisées, limite surmédiatisées par leurs Fédérations respectives. Si la Centrafrique ne médiatise pas ses héros, qui le fera à sa place ?
Il est certain que sans informations, les Centrafricains sont éloignés de leur équipe nationale. Ils peinent à connaître les résultats des matchs amicaux (tenus secrets) des Fauves, la liste des joueurs sélectionnés ne leur est jamais communiquée (ils découvrent directement la composition de leur équipe lors de la compétition), d’ailleurs le sélectionneur et le staff technique ne s’expriment jamais sur la liste des joueurs retenus. Les blessures de joueurs sont vicieusement camouflées (Par exemple, Destin Damachoua a été gravement malade lors de l’Afrobasket à Tripoli, étiez-vous au courant?) et les sanctions disciplinaires prises contre certains joueurs mystérieusement occultées.
Depuis bien longtemps, la FCBB n’a malheureusement pas eu la volonté de mettre en place une véritable stratégie de communication et encore moins de marketing sportif. Les points presse qui sont censés informer sur l’évolution de la préparation des Fauves, l’équipe nationale, par exemple, ne sont mêmes pas prévus dans l’emploi du temps des Responsables Fédéraux ! Ces rencontres avec la presse éviteraient la propagation de rumeurs parfois infondées et des bruits de couloirs.
La Centrafrique a été deux fois championne d’Afrique de basket-ball et sa Fédération n’est toujours pas capable de se doter d’outils de communication pourtant libres et gratuits : un site Internet, ou un Blog, ou même une page Internet par exemple. Avec cet outil de communication, désormais indispensable à toute Fédération sportive (La Fédération Centrafricaine de Hand Ball dispose d’un site Internet), la FCBB pourrait publier ses déclarations et communiqués officiels, ou encore expliquer sa stratégie, sa vision… Aujourd’hui refuser de communiquer, refuser Internet, c’est refuser de s’ouvrir au monde…
La nomination d’un DTN expatrié
En février 2009, Elvis Bomayako, le nouveau Président de la FCBB a nommé Eugène Pehoua à la tête de la Direction Technique National. Une victoire pour cet ancien Fauve champion d’Afrique 1987 qui a tant donné au basket-ball centrafricain, en occupant plusieurs fois les postes d’Assistant Coach des Fauves et en étant le principal acteur de l’expatriation de plusieurs basketteurs centrafricains aux Etats-Unis. Six joueurs sur douze de l’équipe nationale centrafricaine présente au dernier Afrobasket de Tripoli ont eu à bénéficier de son réseau et de ses relations pour se former aux Etats-Unis (Romain Sato, Regis Koundjia, Maixant Mombollet, François Junior Pehoua, William Kossangué, Destin Damachoua).
Néanmoins, la nomination de ce technicien à la tête de la Direction Technique Nationale a posé un problème majeur. La fonction de Directeur Technique National, comme son nom l’indique, nécessite généralement une présence continue sur le sol centrafricain. En résidant donc aux Etats-Unis depuis plusieurs années, Eugène Pehoua n’a aucun moyen de mener à bien la grande réforme technique que nécessite le basket-ball centrafricain. Depuis les Etats-Unis, le DTN a certes les moyens de suivre les performances des quelques Fauves qui y résident, mais ne peut malheureusement pas assister au moindre match de notre championnat national.
De tout temps en Centrafrique, les Directeurs Technique Nationaux ont toujours résidé à Bangui, alors pour quelles raisons la FCBB a-t-elle choisi pour Directeur Technique National un centrafricain expatrié ? Surtout lorsque l’on sait qu’elle n’a pas les moyens de financer les éventuels déplacements (Etats-Unis – Centrafrique) que pourrait nécessiter la fonction d’Eugène Pehoua. De quelle manière le DTN pourrait réformer le basket-ball de toute une nation si lui-même ne vit pas au pays ?
L’absence d’un Manager ou Coordinateur Administratif
Dans l’entretien que l’ancien Fauve et actuel Directeur Exécutif de la SASP JL Bourg Basket, Maurice Beyina, nous avait accordé, il affirmait être favorable à la nomination d’un Manager Général International pour les Fauves. Effectivement, la présence d’une personne entièrement dédiée à la gestion administrative est simplement indispensable à toute équipe nationale. Notre Fédération a la mauvaise habitude d’entièrement déléguer la gestion de l’intendance au Sélectionneur national ou encore au DTN. Par conséquent, ces deux derniers qui ont des rôles purement techniques sont contraints de s’improviser coordinateurs administratifs. Ils s’attèlent à toutes les tâches administratives afférentes au stage de préparation pour un Afrobasket (l’hébergement et la restauration, la gestion des finances, l’organisation des déplacements, l’achat des jeux de maillots et des billets d’avion, les relations avec la presse, le public et l’Etat, la gestion des joueurs…). La gestion administrative est une des clés de la réussite d’une équipe; si la fonction de Manager ou de Coordinateur Administratif n’existe toujours pas chez les Fauves, il est impératif de la créée.
Finalement, le but de cet article est d’informer les Centrafricains sur l’état de notre basket-ball national et de rappeler que ce sport majeur appartient à tous les Centrafricains qui l’aiment et continuent de supporter l’équipe nationale qui en est la principale vitrine. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le nouveau sélectionneur n’a toujours pas été présenté officiellement, et le successeur d‘Eugène Pehoua à la Direction Technique n’a pas encore été nommé.