SENEGAL : SEYDOU ADO SANO (EXPERT DE LA FIBA) : « L’instabilité des équipes africaines ne favorise pas la performance »
Ado Sano, l’un des experts du basket sénégalais, qui est enseignant à l’institut national supérieur d’éducation physique et sportive (Inseps), évoque l’environnement des équipes nationales africaines de basket et donne son avis sur les raisons qui font qu’elles ne franchissent pas le premier tour des compétitions internationales. Un véritable diagnostic sur les échecs répétitifs des équipes africaines en championnats du Monde. Entretien.
Le Sénégal se prépare pour la coupe du Monde 2011 filles. Est-ce que nos Lionnes ont une chance d’aller loin dans cette compétition ?
Même si au niveau africain, nos filles gagnent, il leur sera difficile de passer au second tour. On a plus de chances avec les garçons et un bon projet qu’avec les filles. Car, la différence est énorme avec les équipes féminines qui vont au second tour et les nôtres.
Quelles sont les chances pour les équipes africaines d’aller au second tour en championnats du Monde ?
Il y a des situations aujourd’hui qui font que certaines équipes africaines ne franchiront jamais le premier tour. Concernant le basket, la taille a de l’importance. Or, c’est un gros problème en Afrique. Le Sénégal, un peu le Nigeria, et l’Egypte peuvent prétendre passer le premier tour, car disposant de joueurs de grande taille.
L’Angola moins, mais le jour où elle aura les grandes tailles comme le Sénégal, et avec la qualité de son jeu, elle pourra passer le premier tour lors des championnats mondiaux de basket.
Les équipes qui passent le second tour ont aussi un volume de jeu supérieur à celui des équipes restées en rade. Cette donnée est importante car la qualité d’un championnat national permet aux équipes d’être performantes. A titre d’exemple, les équipes qui règnent sur la scène internationale proviennent des meilleurs championnats nationaux.
Qu’est ce qui explique ce fossé qui sépare les meilleures équipes du monde aux équipes africaines ?
Il faut voir la qualité des championnats dans lesquels les équipes européennes, américaines ou asiatiques participent. Il y a plus d’adversité, de fréquence des compétitions et de talents des joueurs. Outre ces éléments, intervient aussi la gestion de ces équipes, leur préparation et les moyens dont elles disposent. Par contre en Afrique, ce qui constitue un frein, c’est l’instabilité notoire au niveau des équipes. Des équipes qui sont, d’un championnat à un autre, remaniées à 90 %. Maintenant, quand vous prenez des gens, vous les changez plusieurs fois, on ne joue plus en équipe, mais en sélection. Cette situation affecte l’homogénéité du groupe. Le basket appelle aussi à la précision dans les tirs, or avec ces changements, l’équipe est de moins en moins compétitive.
Entre un entraîneur expatrié et un entraîneur local, quel est le meilleur profil pour nos équipes nationales ?
Un bon entraîneur est celui qui est compétent. Je ne me fixe pas sur les entraîneurs locaux, car c’est une compétence. La compétence est partout, de la ville au village. Il faut mettre la personne qu’il faut et lui assigner des objectifs dont l’évaluation permettra de poursuivre ou de rompre la collaboration.
Où se situe le problème ? Faut-il un basket professionnel pour connaitre le haut niveau ?
Professionnel ou pas, ce n’est pas ça qui est important. J’ai toujours pensé que tant qu’on n’a pas un championnat où les joueurs font en moyenne une vingtaine de matches l’année, le Sénégal n’aura pas de bons joueurs. Regardez depuis huit, dix ans ? Quels bons joueurs on a produit ? Depuis que les Malèye Ndoye sont partis, quels sont les bons joueurs sénégalais qui évoluent en championnat de France ? A part les jeunes joueurs qui ont fait les universités et après qui se perdent dans la nature, c’est tout. La fédération doit offrir un volume important de compétitions aux acteurs. Tant qu’on sera là, on ne va pas développer notre basket. Il faut le volume de compétition et la qualité de l’adversité. Avec le système actuel, il n’y a pas de qualité, parce que les rencontres sont espacées, pas de qualité, parce qu’il n’y a pas d’opposants directs. Il n’y a pas de fréquence de compétitions, puisqu’il nous faut en 9 mois 14 compétitions. C’est important pour développer le joueur, mais aussi les entraîneurs.
Le recours à des joueurs pros pour étoffer les sélections nationales ne donne-t-il pas plus de chance pour obtenir des résultats probants ?
Ça règle partiellement la solution. Mais, parfois, il ne suffit pas de jouer à la Nba pour être performant avec son équipe nationale. Comment le joueur est-il utilisé ? Il faut régler cela durant la préparation. Quand on joue en équipe, on doit être capable de se comprendre surtout en basket où le collectif prime avant tout. Surtout quand on a beaucoup de joueurs qui jouent dans plusieurs championnats différents.
Que vous inspire le départ du sélectionneur de l’équipe masculine, Abdourahmane Ndiaye « Adidas » ?
Le projet initial était d’avoir un entraîneur qui dirige l’équipe pendant trois ans avec huit joueurs fixes, même si tous les ans on peut changer quatre sur les douze. Il y a des joueurs qui peuvent faire trois ans en équipe nationale, compte tenu de leur niveau et le projet était de faire trente cinq matches avant les championnats d’Afrique de 2007 (2005-2007). Par la suite, il y a eu des changements dans la direction technique. Tous les ans, les équipes ont changé d’entraîneur national. L’équipe a changé au moins à 68%. Vous voulez gagner les championnats d’Afrique en suivant ce rythme, ce n’est pas possible. Le basket est un sport précis, ça ne ment pas.
Recueillis par Ch. M. COLY
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