04 août 2006

CÔTE DE IVOIRE : Koré Moïse assène ses vérités “Quand on n’est pas intelligent, on ne peut pas jouer au basket”

En prélude au championnat d’Afrique de basket à Luanda en 2007 et aux jeux olympiques de Pékin en 2008, la Fédération ivoirienne de basket-ball organise à partir de ce vendredi 4 août 2006, un tournoi dénommé ‘’Jam session 2006’‘. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré Moïse Koré initiateur de ce tournoi et président de la Fédération ivoirienne de Basket-ball.

A quoi répond le tournoi Jam Session 2006 qui est sa première édition ?
Dans notre feuille de route, lorsque nous avons pris les rênes de la Fédération ivoirienne de basket-ball, il avait été question non seulement du volet formation et infrastructures mais aussi de la mise sur pied d’une grande équipe nationale. En tant que joueur, lorsque je suis arrivé au basket-ball dans la période 1975-1976, la Côte d’Ivoire traînait encore à la 10ème place africaine. Une génération de joueurs à laquelle j’ai fait partie avec les Bilé Alphonse, Djadji Clément, Elo Dingui… En ce moment-là, nous travaillions d’arrache-pied. En 1976, nous avons été champions d’Afrique de l’Ouest, 1977 vice-champions d’Afrique à Dakar, 1978 médaillés d’argent aux Jeux africains d’Alger, 1979 vice-champions d’Afrique au championnat d’Afrique à Rabbat et 1981 champions d’Afrique à Mogadiscio. Il faut dire qu’il y a eu du travail qui a été fait. En 1984, nous avons connu une légère baisse de forme et en 1985, nous avons été champions d’Afrique à Abidjan. Depuis lors, notre dégringolade ne s’est pas arrêtée à tel point qu’aujourd’hui, nous sommes pratiquement 10ème au niveau continental. Nous avons donc décidé de mettre en place certaines infrastructures qui avaient fait notre force quand nous étions plus jeunes. Lorsque le Dr Bilé a été élu président de la fédération, il a mis en œuvre de nombreux chantiers dont des écoles et des centres de formation de basket qui ont porté leurs fruits. Mais malheureusement, à cause des hausses de salaires pratiquées en Europe occidentale et à cause de l’attrait du basket-ball américain, tous nos jeunes sont partis. Aujourd’hui, c’est tout cela que nous voulons capitaliser en faisant revenir tous ces jeunes qui sont partis, qui évoluent dans les universités ou dans les équipes pros en Europe pour reconstituer une nouvelle équipe nationale. Le but essentiel de ce tournoi, c’est de faire appel à toute notre Diaspora et de faire appel à tous ces jeunes qui sont partis et qui ont été membres de notre équipe nationale benjamine, cadette et junior afin d’aller à l’assaut du continent. Nous voulons nous retrouver, les voir en situation de jeu afin de mettre en œuvre le nouveau chantier du basket qui devra défendre les couleurs de notre pays au Championnat d’Afrique à Luanda en 2007. Ce championnat est qualificatif pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008. Nous avons les potentiels et les gens qu’il faut pour monter sur les plus hautes marches du podium. Mais, c’est maintenant que le travail commence et nous allons nous y atteler avec nos faibles moyens. Par la grâce de Dieu, nous allons y arriver.

Y a-t-il eu déjà un lobbying auprès des joueurs de la Diaspora ?
Ils ont tous été contactés. Beaucoup sont présentement dans des camps de basket pour faire partie des staffs des équipes de Nba pour certains et s’affûter pour frapper dans l’œil des recruteurs. Mais une bonne partie de ces joueurs sera à Abidjan au plus tard le jeudi 3 août 2006. Nous avons déjà quatre éléments qui sont là. Il s’agit de Jean-François Bro Grébé, Jean-Philippe Koffi, Darius Coulibaly et Tapé Eric. Nous attendons des joueurs tels que Kéita Abraham et Lami Zana qui vont arriver dans les tout prochains jours. Nous sommes en train de constituer une base de données avec l’entraîneur croate que nous avons déjà engagé pour ce tournoi.

Comme le football, pensez-vous que le basket puisse autant rassembler les Ivoiriens ?
Lorsque l’équipe nationale joue, on ne regarde de quelle discipline il s’agit à partir du moment où c’est le drapeau orange-blanc-vert que nous brandissons et dont nous défendons les couleurs. Lorsque j’étais joueur, j’oubliais tout lorsqu’il s’agissait de défendre les couleurs de mon pays. On utilisait souvent des moyens peu orthodoxes pour gagner certains matches. Je pense que quand on a cette hargne à défendre les couleurs de son pays, les Ivoiriens ne peuvent que se mettre derrière l’équipe nationale. Le football est facile à pratiquer tandis que le basket demande des infrastructures. Il y a des sports comme le golf où il faut des équipements. C’est la même chose qu’au basket qui est un sport élitiste. Quand vous allez en Europe ou dans le championnat Nba, c’est une obligation de passer par les universités. Quand on n’est pas intelligent, on ne peut pas jouer au basket. Au basket, il faut avoir la réflexion et l’intelligence comme qualités. Si on a la taille et qu’on n’a pas ces autres qualités, on ne peut pas être bon basketteur.

A vous entendre, on a l’impression que l’équipe nationale sera essentiellement composée de joueurs de la Diaspora. Est-ce à dire que les joueurs locaux ne sont pas aptes pour la haute compétition ?
Ecoutez ! Moi, je suis réaliste et je ne me lance pas dans les débats puérils. Voilà quelques années que nous travaillons avec nos locaux et aujourd’hui nous occupons la 10ème place. La crème de nos joueurs se retrouve en Europe et aux Etats-Unis. Ce n’est pas un problème propre au basket. 80% des joueurs de la Coupe du monde de football 2006 évoluent en Europe occidentale. Aujourd’hui, pour jouer à la Nba, il faut être universitaire. Prenez l’exemple de l’équipe nationale de football. Ses joueurs évoluent tous en Europe. Lorsqu’ils jouent ici, le stade est plein. Mais quand l’Asec et l’Africa jouent, personne ne vient au terrain. C’est la qualité de jeu produite par les joueurs qui attire le public. C’est ce que font les Angolais et les Nigérians qui ont même une permanence aux Etats-Unis avec un staff. On fait comme les autres, il n’y a pas de honte à cela.

Quel regard portez-vous sur le championnat national ?
Nous essayons de relancer un peu notre championnat. Nous sommes un peu comme un vecteur de communication pour entreprise. A partir du moment où l’entreprise sent que le vecteur que nous sommes présente un attrait pour un public qui peut être un public cible, évidemment, l’entreprise vient en sponsor. Aujourd’hui, la faiblesse de nos clubs provient du fait que nous n’avons pas les moyens et les moyens ne viennent que lorsque nous produisons du bon jeu. Nous, au niveau de notre feuille de route, il était question de former nos encadreurs. Cette année, nous avons mis un accent particulier sur la formation des jeunes dont l’âge est compris 6 et 18 ans afin qu’ils intègrent les fondamentaux du basket, en fonction de leurs corpulences physiques. Nous le faisons pour obtenir plus tard un championnat potable. Je tiens à faire remarquer que malgré le fait que nous n’avons plus le championnat qu’on avait à l’époque, nous avons pris certaines mesures qui ont permis d’avoir un championnat équilibré. Nous avons bloqué toutes les transhumances de joueurs pour permettre à ce que les équipes soient sensiblement de valeur égale. C’est un travail de longue haleine.

Est-ce que la Côte d’Ivoire regorge d’assez d’infrastructures pour abriter ce tournoi ?
Nous avons le Palais des sports qui est largement suffisant. Nous avons quatre équipes et nous allons faire une formule de championnat de six matches en trois journées. Et nous aurons deux matches par jour.

Quel appel avez-vous à lancer aux Ivoiriens friands de football afin qu’ils puissent effectuer nombreux le déplacement lors de ce tournoi ?
Je n’ai rien contre le football. Mais les sports dits de mains ou mineurs ce sont eux qui ont rapporté plus de satisfactions à la Côte d’Ivoire. L’équipe nationale de basket-ball a été championne d’Afrique en 1981 avant le règne des Eléphants footballeurs en 1992 au Sénégal. Le basket a participé à deux coupes du monde en 1992 à Médéline en Colombie et ensuite à Bogota et en 1985 en Espagne. Le hand-ball en a fait de même, Gabriel Tiacoh nous a valu une médaille d’argent aux jeux olympiques. C’est pour dire que quand nous jouons,nous ne défendons pas Koré Moïse, Ouattara Brahima, Porquet ou le colonel N’datchi. Nous défendons les couleurs de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui au basket, nous tournons autour de 5000 licenciés à qui nous inculquons des valeurs saines. Nous ne cherchons pas forcément de résultats, parce que nous savons qu’on ne peut pas constituer une équipe en deux ou trois jours. Mais, il s’agit de commencer. Et c’est ce que nous faisons. Nous appelons donc nos concitoyens à venir nous aider dans cette tâche.
Entretien réalisé par
Dosso Villard