08 octobre 2013

MAROC : Crise du basketball - On entrevoit peut-être le bout du tunnel

Depuis deux ans, le basketball national est sous perfusion. Une simple divergence de points de vue conjuguée aux problèmes d’égos entre quelques membres fédéraux, la mise en veilleuse des activités du président Mohamed Dinia et bien entendu les mains occultes qui agissent dans les coulisses ont provoqué la déchirure sous l’œil impassible du ministère de la Jeunesse et des sports. Ce dernier semble finalement décidé à prendre le taureau par les cornes.
 

Crise-du-basketball.jpg La crise du basket a eu des répercussion négatives sur l’équipe nationale.

Aux dernières informations, le département de tutelle a envoyé une mise en demeure à la FRMBB. Cette dernière a trois semaines pour répondre de manière détaillée au courrier du ministère, faute de quoi ce dernier appliquera l’article 31 de la loi 30-09 relative à l’Éducation physique et au Sport. Autrement dit, le ministère installera une commission provisoire qui sera chargée de la gestion de la fédération en attendant la tenue d’une assemblée générale élective. La mise en demeure du ministère réjouit les uns et déplaît aux autres. Matin Sports a enquêté sur cette crise qui a porté le coup de grâce au basketball national.
Depuis un peu plus de 20 mois, le basketball vit une crise sans précédent qui l’a plongé dans les abysses de l’oubli, voire du désespoir pour la plus grande partie des joueurs, qui vivent une situation difficile. Bien que tardive, la réaction du ministère a été bien accueillie par les différents animateurs de la balle orange. En effet, le directeur des sports, Mustapha Azeroual, nous a confirmé l’envoi d’une mise en demeure le 23 septembre, au président de la FRMBB, Mohamed Dinia, qui doit y répondre dans un délai n’excédant pas trois semaines.
Faute de réponse, le ministère sera dans l’obligation d’appliquer l’article 31 de la loi 30-09 relative à l’Éducation physique et au sport, à savoir la destitution du bureau fédéral et la mise en place d’un comité provisoire chargé de la gestion de la fédération. «Nous avons tout entrepris pour réconcilier les deux parties et lancer le championnat qui avait pris beaucoup de retard», explique Mustapha Azeroual, le directeur des Sports au ministère de tutelle. «Toutes les actions que nous avons tentées ont été vouées à l’échec.
Nous avons donc, décidé le 23 septembre d’envoyer une mise en demeure au président de la fédération avec un délai de réponse de trois semaines. Si d’ici là il n’y a pas de réaction de sa part, nous appliquerons l’article 31 de la loi 30-09, c’est-à-dire la mise en place d’une commission provisoire». Interrogé à ce sujet, le docteur Fouad Amar qui assure l’intérim à la FRMBB réagit vigoureusement : «Ce serait une erreur de mettre en place ce comité provisoire, car il risque de multiplier les problèmes. Mais je dis oui, il faut répondre à cette mise en demeure pour bien montrer que nous voulons aller de l’avant».

Feuille de route

En revanche, cette décision semble avoir été bien accueillie par le clan opposé. «Je pense que c’est la meilleure chose pour le basket national, explique Ahmed Mernissi, le président du Moghreb de Fès. La mise en place d’un comité provisoire va nous permettre d’y voir plus clair et donc de lancer le championnat et préparer une assemblée générale». Même les joueurs, dont la situation est critique, sentent enfin le bout du tunnel. C’est le cas de Younes Drissi, joueur de Sport Plazza qui fait remarquer que «depuis plusieurs mois, la quasi-totalité des joueurs a des problèmes financiers faute de salaire et de primes et je pense que cette commission provisoire va débloquer la situation». Driss Chraibi, le président de Sport Plazza est moins optimiste. «Le dernier championnat a été complètement biaisé et il a favorisé tous les clubs qui sont restés fidèles aux dirigeants de la fédération», tonne-t-il avant d’ajouter : «C’est pour cela que je suis dégoûté par tout ce qui s’est passé. Nous sommes une poignée de dirigeants bénévoles, nous avons une passion qui est le basketball, nous gérons nos clubs de nos poches et voilà qu’on vient nous mettre les bâtons dans les roues. Je suis déçu, dégoûté et je pense rendre le tablier».
Cette situation a failli avoir une répercussion néfaste sur l’équipe nationale qui était sur le point de déclarer forfait à l’Afrobasket 2013 qui s’est déroulé en Côte d’Ivoire. Sans l’intervention du ministère, le Maroc était passible d’une forte amende et d’une suspension de 2 ans. Le ministère a donc commencé à tracer la feuille de route pour cette discipline. L’espoir renaît au sein des passionnés et des amateurs de la balle orange. Même son de cloche chez Mustapha Chadli, secrétaire général du WAC qui abonde dans le même sens : «Le basketball national ne mérite pas une telle situation. Nous avons besoin d’une fédération forte avec un programme sportif ambitieux tant au niveau de la formation que de l’arbitrage et de la programmation. La mise en place d’un comité provisoire est une bonne chose et nous ne pouvons qu’applaudir à une telle décision», a-t-il indiqué. En attendant, rien n’indique que cette mise en demeure envoyée par le ministère pourrait résoudre le problème. Il faut surtout une volonté de toutes les parties et jusqu’à présent cette volonté n’existe pas.

Entretien avec Fouad Amar, vice-président de la FRMBB

«C’est le ministère qui a provoqué cette crise»

Matin Sports : Êtes-vous au courant de la mise en demeure envoyée à la FRMBB par le ministère ?
Fouad Amar : Oui, je suis au courant, mais je ne sais pas quelle suite sera donnée à cette mise en demeure pour la simple raison que j’ai réduit mes activités face à ce qui se passe. Je n’ai pas accepté la campagne de mensonges et de calomnie colportés par quelques personnes. Nous avons perdu beaucoup de temps alors que la majorité des clubs sont avec nous.
Selon vous, qui est responsable de la situation actuelle du basketball ?
C’est le ministère qui a provoqué cette crise en ajournant à chaque fois nos assemblées générales. Il ne nous a pas octroyé de subventions et donc nous sommes bloqués au niveau financier, car depuis 2 mois le personnel n’est pas payé. Nous n’avions aucun problème puisque nous avons tenu dans la sérénité notre assemblée pour l’approbation des nouveaux statuts.
Pensez-vous qu’un comité provisoire peut sauver la situation ?
Ce serait une erreur, car les problèmes risquent de s’amplifier. On veut tout faire pour m’écarter, je l’ai senti. Honnêtement je ne sais pas qui est derrière tout cela.

Entretien avec Ahmed Mernissi, président du Moghreb de Fès

«La mise en place d’un comité provisoire est la meilleure solution»

Matin Sports : Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle du basketball ?
Ahmed Mernissi : Depuis plus de 20 mois, nous sommes face à une grave crise qui a considérablement réduit les activités dans les clubs. Cela a également provoqué une décadence du Basketball. Les ponts ont été rompus entre la fédération et les clubs. Les lacunes se sont multipliées jusqu’au blocage que nous vivons aujourd’hui.
Que pensez-vous de la réaction du ministère qui a envoyé une mise en demeure à la FRMBB ?
C’est une excellente initiative. Il était temps que le ministère réagisse face à cette situation. On se dirige vers deux solutions. Soit que le président de la fédération donne une réponse convaincante de sa gestion et donc, on se dirigera vers une assemblée générale, soit il ne répond pas et la mise en place d’un comité provisoire sera inévitable.
Cette dernière solution est- elle la meilleure pour sortir de la crise ?
Oui bien sûr, c’est la meilleure solution pour réunir la famille de cette discipline, lancer les diverses compétitions, assainir la gestion de la fédération et préparer une assemblée générale.

Une crise qui couve depuis février 2012

Tout a commencé en février 2012, lorsque le président en exercice, Mohamed Dinia, a décidé de passer le témoin au vice-président Fouad Amar, pour des raisons qu’il n’a jamais clarifiées. Nous avons, maintes fois, tenté d’en savoir plus auprès du concerné, mais son téléphone est toujours resté hors zone. La suite on la connaît, une cascade de démissions de membres fédéraux dont celle de Driss Chraibi, président de Sport Plazza et le gel des activités d’Ahmed Mernissi, président du MAS. Tout cela crée un désordre au sein d’une fédération sans queue, ni tête. Le clash est inévitable entre deux clans qui se regardent en chiens de faïence. Le ministère tente tant bien que mal de rapprocher les deux points de vue, mais sans résultat tangible. Cahin-caha, le championnat 2012-2013 démarra sans trop d’enthousiasme, car il n’y avait aucun enjeu, à savoir que la FRMBB avait décidé qu’il n’y aurait pas de clubs relégués.
Ce que prévoit l’article 31
  • En cas de violation grave par une fédération de ses statuts ou de la législation et de la réglementation qui lui sont applicables, ou lorsque le fonctionnement ou les activités de cette fédération sont préjudiciables à la discipline sportive en cause, une mise en demeure est adressée à l’organe directeur concerné pour rétablir la situation objet de la mise en demeure dans un délai ne dépassant pas trois semaines.
  • En cas de non-réponse, l’administration peut procéder à la dissolution de l’organe directeur fédéral et prendre toutes les mesures utiles dans l’intérêt de la discipline sportive concernée, notamment désigner un comité provisoire ayant pour mission d’assurer la gestion de la fédération jusqu’à la tenue de l’assemblée générale dont le comité provisoire fixe la date dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de dissolution de la fédération concernée.