04 octobre 2007

REUNION : Géréone, le phare du Port


Du haut de ses 2,05 m, Matthieu Géréone a dérangé Saint-Pierre samedi dernier. Ce soir, le pivot portois tentera de prendre sa revanche sur le champion, dont il sera la cible principale.

48,5. Ce n’est pas le pourcentage au shoot de Matthieu Géréone samedi dernier face à Saint-Pierre (70-83 a.p.). Le pivot portois aurait bien aimé, mais ses mains, savonneuses ce jour-là, ne voulaient pas. En témoigne cet affreux 0/8 aux lancer-francs. Géréone a lancé des briques samedi, comme s’il cherchait à construire une maison. “On peut m’appeler briques-man”, s’esclaffe l’intéressé, pas vexé pour un sou de la remarque. Non, 48,5, c’est sa pointure. Depuis le 24 avril, Matthieu Géréone a 18 ans. C’est un grand garçon. De 2,05 m pour 103 kg. Un élément... majeur de l’effectif portois. “C’est une pièce maîtresse, il stabilise drôlement notre jeu”, admet son coach Jean-Hugues Banor. Samedi, malgré sa maladresse - relative, puisqu’il a inscrit 8 points -, Matthieu Géréone a brillé face au champion saint-pierrois et sa pléiade de “grands” d’expérience (Bigot, Panchbaya...). “Il nous a bien emmerdés !”, rigole, sans animosité aucune, Fred Robert, l’entraîneur saint-pierrois. Gobant rebonds offensifs sur rebonds offensifs, Géréone a servi de point d’ancrage aux siens, distribuant le jeu dos au panier. Sous l’arceau, il a fait don, malgré lui, de son corps. Chose qui n’a pas plu à son entraîneur, soucieux de protéger son pivot. “Quand je l’ai vu arriver lundi à l’entraînement, il était plein de bleus.” Le constat est là : Géréone a été chahuté par l’expérience saint-pierroise. “Donner des coups de coude et jouer les gros bras, ce n’est pas de l’expérience, c’est du rugby”, objecte Banor. “Il n’est plus en championnat cadets mais en championnat seniors. Qui dit défense dit combat. Et qui combat dit duels, dit coups. C’est sa première année seniors, il grandit”, avance quant à lui Fred Robert, avant d’ajouter : “Il va souffrir jeudi, le film sera différent.”

Baby Shaq

Tout ça faisait bien rire Matthieu Géréone, hier midi, à la table d’un célèbre fast food du Port... où il n’a rien consommé, veille de match oblige. “Dans un match de ce niveau-là, c’est normal de prendre des coups, j’ai l’habitude”, tempérait-il, relax, casquette vissée à l’envers sur la tête. C’est tout juste s’il avait remarqué les “un ou deux bleus” qui coloraient ses épaules lundi. On l’a pourtant vu s’énerver, le grand Matthieu, samedi soir. “Contre moi-même et contre l’arbitre, parce qu’il ne sifflait pas”, précise ce pivot 100% portois. Rien de méchant, donc. Géréone déplore plutôt son manque d’adresse ponctuel. “Il a été maladroit, il était déréglé. Mais avec la taille qu’il a, 6,25m, ce n’est rien pour lui”, assure Banor. “Si j’avais mis mes lancers, on aurait peut-être gagné...”, soupire Géréone. “‘Humainement, Matthieu est quelqu’un de bien. Il ne se prend pas la tête, il est serein.” Ce n’est pas un de ses potes portois qui parle, mais Florent Eleleara, meneur de la sélection et de Boulazac (Pro B), que Géréone a côtoyé à Besançon, durant la première de ses deux saisons “cadets France” passées (aux côtés de son coéquipier Anthony Son-Houi) en métropole. C’était il y a deux ans. Déjà, Eleleara avait décelé chez cet adolescent un certain mal du pays. “Dès qu’il y avait des vacances, il rentrait tout le temps. Moi je restais ici. Il me narguait en m’envoyant des messages pour me dire qu’il était à la plage avec ses potes !” Eleleara avait vu juste. Après une saison passée à Saint-Étienne, où il cumule le championnat cadets France 1ère division et les entraînements avec les pros, Géréone rentre sur son île, déclinant au passage l’offre de Roche-la-Molière (N2). “J’étais loin de la Réunion, la France commençait à me saouler. Je voulais être avec la famille, les potes...” Certains, comme Fred Robert, estiment que c’est du “gâchis. Il n’est vraiment pas à sa place à la Réunion. Peut-être qu’il a besoin d’une année de transition.” Même pas. “Je ne pense pas que je repartirai”, lâche Géréone, qui se voit bien réaliser un “gros coup” cette saison en R1, avec la jeunesse portoise dont il est le moteur. Pourquoi pas matérialiser cette fraîcheur, ce soir, face à Saint-Pierre. “À un moment, samedi, je les ai sentis douter. On verra demain...” Demain, comprenez dans quelques saisons, Matthieu Géréone jouera peut-être les pivots dominants sur son île. “Il peut encore énormément progresser, le gamin”, glisse Eleleara. De qui s’inspire Géréone ? “Moi, c’est Shaq (Shaquille O’Neal, la “bête” de Miami, 2,16 m, 147 kg) !”, lâche-t-il d’un sourire dévorant. D’ici à ce que “Baby Shaq” Géréone explose les plexiglas péi à coups de dunks ravageurs...

François-Xavier Rougeot