03 août 2013

REUNION : Les yeux dans les Bleues

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Pierre vincent. Pendant deux heures, vendredi soir, le sélectionneur de l’équipe de France féminine et entraîneur de l’ASVEL a animé un colloque pour les entraîneurs réunionnais. Répondant à toutes les questions.

"Je suis en vacances et j’ai tout mon temps", rigole à moitié Pierre Vincent. Installé derrière son ordinateur, il a face à lui une cinquantaine d’entraîneurs locaux. Et il s’apprête à mener une séance de "recyclage" à leur intention. Un moment exceptionnel tant le professeur est peu commun. Tout comme l’affluence, vendredi soir, dans la vétuste Maison des sports de Saint-Denis. Tous sont venus profiter un dernier moment de l’expertise du sélectionneur de l’équipe de France féminine et entraîneur de l’Asvel, resté après le Run Ball pour quelques jours de repos. C’est sa dernière soirée sur l’île. Il aurait pu préférer un cocktail sur la plage de l’Ermitage ou un dernier clair de lune à Mafate, mais non. Pierre Vincent a choisi d’être là, avec les techniciens réunionnais pour clôturer ses premières vacances "depuis un bout de temps".
Comme Claude Bergeaud (entraîneur de Pau-Orthez), Antoine Brault (entraîneur assistant de Poitiers) ou Guy Prat (entraîneur assistant de Lattes-Montpellier) l’avaient fait durant le Run Ball de manière plus ou moins formelle. C’est plus réglé pour Pierre Vincent. Il commence par ouvrir son ordinateur, qui recèle tous ses secrets et outils de travail. Et lance une vidéo de France-Suède, quart de finale de l’Euro pour poser le thème de la séance : ce sera vidéo.
Bon forcément, pour les entraîneurs de Régionale 1, aller mettre 10 000 euros dans un logiciel et passer des heures à faire du montage, ce n’est qu’une utopie. "J’ai conscience que c’est un outil que vous n’utilisez pas tous les jours", admet le sélectionneur des Bleues. "C’est sûr que la vidéo ça ne nous sert pas souvent", complète Daniel Doro, l’entraîneur de Saint-Pierre. "Mais ce que l’on fait là, on peut très bien le faire au tableau noir", met à l’aise Pierre Vincent. Les séquences s’enchaînent. On commence par la défense. Avec les premières formules qui font mouche. "Quand la balle bouge, il faut bouger avec". "Défendre c’est comprendre". L’assistance est studieuse et intimidée. À chaque fois, l’analyse est rapide de la part du technicien. Les erreurs vite identifiées. Et très vite on oublie la technique. Celle de la vidéo s’entend. Pour que reste juste celle du basket. "On joue le même basket, sauf qu’à notre niveau, l’espace et le temps sont beaucoup plus réduits", lâche le sélectionneur pour passer à du plus pédagogique, sur sa méthode, qu’il expose ouvertement. En revient d’abord à l’éducateur qu’il a été, au début de sa carrière comme conseiller technique régional de Poitou-Charentes.
"Les joueurs apprennent par trois moyens : en écoutant, pour les plus expérimentés, en regardant ou en faisant pour avoir les sensations, assène-t-il. La grande erreur, c’est de dire aux joueurs "Toi tu fais ça, toi tu fais ça". S’il fallait sortir de Polytechnique pour jouer au basket, ça se saurait ! C’est un sport simple, plus compliqué que le football quand même ! Il faut juste savoir expliquer".
Alors il explique. Simplement. Répond aux questions, en toute simplicité. Fait un point sur ses méthodes de recrutement avec l’Asvel. Ces kilomètres de stats et d’heures de vidéos cumulés pour trouver la perle rare.
Forcément, le sujet des Braqueuses est abordé. Il tente d’expliquer cette dernière possession face à l’Espagne, en finale de l’Euro, qui lui laisse de l’amertume. Il ne l’a pas revue. Mais avance sa version de l’histoire. Cette bonne défense espagnole. Ce choix de système, discutable comme tous. "Le basket c’est ça, souffle Philippe Grondin, l’entraîneur de Saint-Leu. Ça se joue à des petits détails. C’est bien que le Run Ball nous permette d’avoir ce genre de techniciens pour s’y attarder".
Pierre Vincent brise ensuite quelques clichés, comme celle d’une joyeuse bande d’amies qui aurait conquis l’argent olympique comme le cœur des Français. Avec un océan de joie de vivre. "Nous avons été ensemble pendant trois mois et demi aux Jeux et il y avait des grosses tensions dans l’équipe, livre Pierre Vincent Mais ce qui est formidable avec les Braqueuses c’est qu’elles donnent envie d’intégrer l’équipe et aident à cela".
Une bonne porte de sortie pour enchaîner sur cette notion importante pour lui. Qu’il a étudié, pour la théoriser. "Le phénomène de cohésion d’équipe est passionnant, analyse t-il. Ça se construit et ça rend plus fort. Mais il y a deux types de cohésion. La sociale, qui rend la vie meilleure mais ne rend pas plus fort. Et l’opérationnelle, qui elle rend meilleure mais est beaucoup plus complexe. Il faut communiquer ensemble. Expliquer à la star que l’on a besoin de tout le monde et aux autres joueurs que la star est un joueur comme les autres et qu’ils puissent lui parler".
Un discours qui fait mouche auprès de Daniel Doro, qui retrouve là sa "vision du basket avec un esprit de famille". Celui dont Pierre Vincent a fait preuve pendant deux heures face à ses homologues réunionnais en livrant son bagage technique. Avant de s’envoler, hier matin. Vacances finies pour lui.
Hervé Brelay