Le problème du basket sénégalais ne se situe pas au niveau des compétences techniques. L’affirmation est du secrétaire général du Collectif des basketteurs sénégalais (Cbs), Baba Tandiang. Selon lui, c’est au niveau de l’encadrement administratif que ça pèche. Engagés à sortir de l’ornière cette discipline qui, soutiennent-ils en chœur, leur a tout donné, Baba Tandiang et ses collègues du Cbs ont déposé un plan de relance du basket sur la table du ministre des Sports et des Loisirs, Issa Mbaye Samb. Dans l’entretien qu’il nous a accordé samedi dernier, Baba Tandiang qui est par ailleurs, le Président directeur général (Pdg) du groupe Le Matin, lève un coin du voile sur le document d’une dizaine de pages, qu’ils ont mûri pour sortir le basket sénégalais de sa ‘léthargie’ actuelle. Entretien…
Wal Fadjri : Comment le Collectif des basketteurs sénégalais (Cbs) compte-t-il relancer le basket sénégalais au vu du plan de relance que vous avez déposé jeudi dernier sur la table du ministre des Sports et des Loisirs ?
Baba Tandian : C’est un document très sérieux qui prend en charge tous les problèmes du basket sénégalais que nous avons déposé sur la table du ministre des Sports et des Loisirs. Nous avons mis deux mois pour élaborer ce document à même de sortir le basket sénégalais de l’ornière. Dans ce document, on a indiqué toutes les informations fiables au ministre pour qu’il sache où se situe le mal du basket sénégalais. Et nous sommes disposés à exécuter, sans aucun problème, tous les cinquante-quatre points énumérés dans ce plan de relance soumis à l’appréciation du ministre des Sports et des Loisirs. On peut même se passer du financement de l’Etat pour la mise en œuvre de ce plan de relance. C’est vrai que l’Etat a un rôle principal à jouer dans le développement du basket. Mais, pour l’exécution de ce plan de relance, nous n’attendrons pas l’apport de l’Etat. Parce que nous sommes en mesure de trouver tout le financement qu’il faut pour réaliser, point par point, tout ce que nous avons noté dans ce plan de relance. Nous savons où trouver les financements. Nous ne venons pas pour nous servir du basket. Au contraire, comme on l’a toujours dit, nous sommes là pour rendre au basket tout ce qu’il nous a donné. C’est grâce au basket que, personnellement, je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Et ceci est aussi valable pour l’ensemble des membres du Cbs. On touche du bois, mais nous avons de quoi vivre. On ne veut pas 5 F du basket. Au contraire, c’est à nous de mettre notre savoir et notre avoir au service du basket sénégalais. Et nous nous sommes engagés à tout faire pour sortir le basket sénégalais de sa léthargie actuelle. Nous ne voulons rien d’autre que la reconstruction du basket sénégalais. Nous nous sommes aussi engagés à réconcilier ce basket avec son public. Il est inadmissible qu’il y ait quinze ou vingt personnes dans les gradins pour suivre un match de basket. C’est malheureux. C’est inadmissible. Le basket sénégalais est mort. Un match de basket, c’est du spectacle. Les matches se jouent et doivent se jouer dans de chaudes ambiances. C’est seul au Sénégal où les matches de basket se jouent dans une tristesse. Les dirigeants actuels sont en train d’ensevelir le basket sénégalais sans s’en rendre compte. Au Cbs, nous avons des mécanismes de relance pour réconcilier ce basket avec son public en moins de six mois. Notre premier combat consistera tout d’abord à installer dans toutes les régions et autres grandes villes des infrastructures de qualité. De même, en adéquation avec les autorités scolaires, nous allons reconstruire des terrains de basket dans les écoles élémentaires, dans les lycées et autres collèges afin d’encourager les pupilles à pratiquer le basket. Si nous dirigeons la Fédération, notre priorité consistera à installer des infrastructures qui répondent aux normes. Et tout ça se fera dans les six premiers mois de l’action du Cbs. Voilà de façon ramassée, le premier combat que nous comptons réussir dans les six premiers mois. Et tous les basketteurs membres du Cbs seront dans l’obligation de sillonner tous les terrains de basket pour faire l’état des lieux. Tous les anciens basketteurs auront l’obligation de passer dans les différentes écoles et autres terrains de basket pour sensibiliser les enfants sur les vertus du basket. On a mis du temps pour remettre ce plan de relance à l’autorité de tutelle parce qu’il fallait avoir l’engagement de tous les anciens basketteurs. Et tout le monde s’est engagé, de façon solennelle, à relancer cette discipline qui nous a tout donné.
Wal Fadjri : Que reprochez-vous à l’équipe dirigeante du basket sénégalais qui organise quand même de manière régulière les différents championnats ?
Baba Tandian : On reproche tout aux dirigeants actuels du basket sénégalais. Ces championnats dont vous parlez, se jouent dans la difficulté et dans la tristesse absolue. Allez demander aux présidents de clubs et aux présidents de ligues comment ils arrivent à organiser ou à jouer les différents matches. Je répète, pour une énième fois, que le Cbs n’est pas là pour décrier uniquement les manquements constatés. Nous avons pris le soin, par nos propres moyens, de sillonner toutes les régions du Sénégal pour constater l’état de délabrement du basket sénégalais. Nous avons rencontré toutes les ligues régionales. C’est dire que nous ne sommes pas restés sur place pour dire que ceci ou cela ne va pas. Le basket sénégalais est tout simplement mort.
Wal Fadjri : Mais, pourquoi avoir attendu la défaite des ‘Lionnes’ du basket devant les ‘Aigles’ du Mali, lors des derniers championnats d’Afrique des dames tenus du 20 septembre au 10 octobre, pour vous faire entendre ?
Baba Tandian : (Il coupe). C’est parce que c’était le moment propice. Cet échec des ‘Lionnes’ en championnat d’Afrique était la goutte d’eau de trop. Et notez bien que c’est de façon spontanée que tous les basketteurs sénégalais, réunis dans le Cbs, se sont engagés à sauver cette discipline. Avec cet échec du Sénégal face au Mali, le basket sénégalais venait de toucher le fond. Je tiens toutefois à préciser que le Cbs n’a pas attendu cette défaite du Sénégal pour entreprendre le combat. Peut-être l’engagement a été plus manifeste après cette déroute, mais nous avons toujours décrié la gestion d’Alioune Badara Diagne qui a ruiné le basket sénégalais. Il a montré toutes ses limites. Il est là pour se servir du basket et non pour le servir. Par conséquent, il est temps qu’il parte. Et nous nous sommes engagés à le faire partir pour remettre le basket sénégalais sur les rails.
Wal Fadjri : Votre combat se résume alors à faire partir le président de la Fédération sénégalaise de basket ?
Baba Tandian : Non. Notre combat ne se limite pas à faire partir uniquement ce monsieur. Nous sommes là, comme je l’ai dit plus haut, pour reconstruire et réconcilier le basket avec son public. Ceci étant dit, notez que le départ d’Alioune Badara Diagne qui ne connaît rien du basket, n’est qu’un petit point de notre combat. Parce qu’il va partir, à tout prix, de la tête de la Fédération sénégalaise de basket. C’est lui l’obstacle de la politique de développement du basket sénégalais. Il y a des gens très compétents dans cette Fédération auxquels il (Alioune Badara Diagne) ne prête aucune attention. Il n’en fait qu’à sa tête. Ce qui l’intéresse, c’est les voyages, les missions et autres perdiems. Je dis haut et fort, qu’un président qui ne peut pas prendre en charge son propre transport, ne mérite pas de diriger le basket sénégalais. Un chômeur, de petits fonctionnaires…, ne peuvent pas diriger une discipline sportive dans ce troisième millénaire. Par conséquent, c’est normal de se battre pour faire partir un monsieur qui se sert du basket pratiqué par des milliers de Sénégalais. Depuis qu’il est là, rien ne marche. Aucune politique de base n’a été entreprise. Ceci est connu de tous. Ce qui intéresse Alioune Badara Diagne, ce sont les équipes nationales et rien d’autre. L’actuelle direction du basket sénégalais a mis l’équipe nationale en première ligne. Parce que tout simplement les intérêts recherchés se trouvent à ce niveau. Pour cette classe de dirigeants du basket sénégalais, les intérêts se trouvent dans l’équipe nationale avec les voyages, les perdiems et autres avantages. Ces dirigeants ne font rien pour les clubs et les ligues. Pourtant, les clubs sont le soubassement de toute équipe nationale d’une discipline quelconque. C’est en partant des clubs qu’on construit une équipe nationale. Par conséquent, au niveau du Cbs, c’est de la base qu’on entreprendra la reconstruction du basket sénégalais et non par le sommet. Et la base, c’est le mini-basket, les cadets, les juniors… On ne peut rien récolter dans la vie, si on n’a pas semé des graines. Pour avoir de grands basketteurs sénégalais, il faut forcément développer une politique de formation soutenue au niveau de la base. Et c’est ce que nous comptons faire, si on nous confie les rênes du basket sénégalais. Nous sommes tous préoccupés par les difficultés qu’éprouve le basket sénégalais aujourd’hui. C’est pourquoi, nous nous sommes engagés à le sauver. C’est un vrai plan de développement du basket sénégalais qu’on a remis au directeur de cabinet du ministre des Sports et des Loisirs. Je dis vrai plan de développement, parce que nous y avons mentionné tous les plans d’actions qu’il faut entreprendre pour sortir le basket sénégalais de sa léthargie actuelle. Notre travail ne se résumera pas seulement aux équipes nationales. On n’a rien à faire avec les voyages et autres avantages des équipes nationales.
Wal Fadjri : Comment comptez-vous mettre en place ce plan de relance ?
Baba Tandian : Nous avons nos petites bottes secrètes que je ne me permettrai pas de révéler à la presse. Il faut seulement souligner qu’un chômeur ne peut pas être à la tête d’une structure aussi importante que la Fédération sénégalaise de basket. Avec le Cbs, aucun président, aucun vice-président ne va voyager au moyen de la fédération ou de l’Etat. Avec le Cbs, tout président qui ne sera pas à même de se prendre en charge, restera à Dakar pour suivre de loin la prestation des équipes nationales. Nous avons eu des moyens grâce au basket. Nous allons non seulement remettre ces moyens dans le basket, mais nous allons mettre à contribution nos relations personnelles pour développer le sponsoring dans le basket sénégalais. Nous allons faire en sorte que tous les clubs et autres ligues de régions aient des partenaires qui vont les accompagner dans leur politique sportive. Parce que, pour trouver ce créneau de développement du sponsoring, il faut être du milieu afin de connaître les gens. Le sponsoring est une question d’amitié. Nous avons toutes les relations qu’il faut pour trouver des partenaires au basket sénégalais. Au moins, nous descendrons par deux fois dans l’année dans les régions pour visiter le travail effectué au niveau des ligues. On ne fera jamais comme la direction actuelle qui n’est jamais descendue dans les régions pour voir le travail qui se fait dans les régions. C’est un sport que nous connaissons parfaitement bien. Nous avons fait plus d’une dizaine d’années de professionnalisme. Nous sommes tous aujourd’hui des hommes d’affaires ou des chefs d’entreprises. Et c’est ce basket qui nous a donné tout ce que nous avons aujourd’hui. C’est dire que nous avons tous, mille et une façons de le servir. Par conséquent, le Cbs s’engage à recréer le spectacle dans les terrains de basket du Sénégal.
Wal Fadjri : Comment ?
Baba Tandian : L’engouement et le spectacle attirent les acteurs. Personnellement, je me suis intéressé à pratiquer le basket à cause d’un spectacle. En effet, en 1969, j’ai été au stade pour suivre un match de basket. En voyant à l’œuvre Abdou Diabar qui était, à l’époque, un très grand basketteur, dans un stade rempli comme un œuf, je suis allé m’inscrire le lendemain pour apprendre à jouer au basket. Et je n’étais pas seul. Parce qu’il y avait plus de soixante-dix autres adhérents ce jour-là juste à cause du spectacle qu’Abdou Diabar a créé pendant une trentaine de minutes seulement. C’est dire que le spectacle peut créer l’envie de jouer au basket. Malheureusement, ce spectacle n’existe plus dans les matches de basket au Sénégal. Et cette faute incombe aux dirigeants actuels qui ne s’intéressent qu’aux événements. C’est toujours les mêmes problèmes qui se posent au basket sénégalais. Il est temps qu’on arrête ce cycle de violence financière. Il est temps qu’on mette le basket sénégalais sur les rails. Et c’est ce combat qu’entend mener le Cbs. Le Cbs entend œuvrer pour les clubs et les ligues. On va faire de sorte qu’il n’y ait aucun problème dans les clubs et autres ligues. C’est à la Fédération de trouver des solutions aux différents problèmes qui se posent au basket sénégalais. On vient pour renverser l’existant qui bloque l’émergence du basket sénégalais. Il n’est plus question que la Fédération vive comme un nabab et que les clubs tirent le diable par la queue.
Wal Fadjri : Que faites-vous alors de la feuille de route que la Fsb vient de décliner ?
Baba Tandian : C’est du pipo, du bidon. Ce plan ne repose sur rien du tout. Dans ce document que nous avons parcouru dans la presse, ils disent qu’ils vont descendre à la base. Mais, avec quoi et avec quels moyens vont-ils descendre à la base ? Et il faut qu’ils le disent pour édifier les gens. Comment peut-on descendre à la base sans pour autant régler le problème des infrastructures.
Wal Fadjri : L’équipe nationale féminine du Sénégal doit prendre part, dans quelques mois, au tournoi pré-olympique. Qu’en pensez-vous ?
Baba Tandian : Le Cbs ne cautionne pas la sortie des ‘Lionnes’ pour prendre part au tournoi pré-olympique en vue. Ce tournoi n’a aucun sens pour le Sénégal qui va se faire ridiculiser devant des nations de basket plus outillées que notre équipe nationale féminine. L’équipe nationale du Sénégal avait 90 % de chance pour gagner directement son ticket lors des Championnats d’Afrique qu’elle a perdus à Dakar devant le Mali. Sans faire l’évaluation de cette défaite, les gens veulent engager cette équipe dans un tournoi pré-olympique devant des nations de basket telles que la France, la Lituanie... C’est ridicule. Il est vrai qu’il est permis de rêver mais, il y a des rêves qui ne sont pas du tout admissibles. Il est temps de se dire la vérité. Le Sénégal a moins de 10 % de chance de passer à ce tournoi pré-olympique. Je ne dénigre pas. Au contraire, je tiens juste à dire la vérité aux gens. Au niveau du Cbs, on estime que si ce sont les textes de la Fiba qui obligent le Sénégal à prendre part à cette compétition, il peut y aller sans aucun problème. Mais, si ce n’est pas une obligation, nous demandons au ministère des Sports et des Loisirs de surseoir à ce tournoi.
Wal Fadjri : Pourquoi ?
Baba Tandian : Parce que le Sénégal n’aura pas les résultats escomptés. Par contre, les gens iront juste pour empocher les perdiems et autres avantages de voyage. Il y a deux façons de perdre: il y a la défaite honorable et la raclée. Et il faut éviter la raclée. Avec tout le séisme que connaît aujourd’hui le basket sénégalais, cette équipe n’est pas prête pour prendre part à une quelconque compétition internationale. Si on s’y rend, c’est pour prendre une raclée. L’équipe actuelle ne peut pas affronter une équipe qui a une habitude de discipline et de regroupement. Comment peut-on imaginer qu’un encadrement sérieux et un entraîneur sérieux laissent des éléments clefs de son dispositif pavaner à quelques heures d’un match aussi important qu’une finale de coupe d’Afrique. C’est inadmissible. Il faut d’abord mettre de l’ordre dans cette équipe du Sénégal, avant d’envisager un quelconque match de basket.
Wal Fadjri : Que pensez-vous d’Ousseynou Ndiaga Diop qui vient d’atterrir à la direction technique nationale ?
Baba Tandian : C’est un très grand technicien à même de sortir le basket sénégalais de l’ornière. Mais, il va falloir qu’il soit bien entouré pour réussir cette mission. Avec ces dirigeants actuels, Ousseynou Ndiaga Diop risque de passer à côté de sa feuille de route quels que soient ses ambitions et son engagement. Le problème du basket sénégalais ne se situe pas au niveau des compétences techniques mais, c’est au niveau de l’encadrement que ça pêche.
Propos recueillis par Mamanding Nicolas SONKO