REUNION : "On a compris qu’il s’était passé quelque chose"
edwige lawson-wade - L’une des plus grandes joueuses du basket français tirera sa révérence après le Run Ball et peut-être une dernière consécration. Elle revient sur sa carrière et l’aventure des "Braqueuses".
Si Céline Dumerc sera la marraine du Run Ball et Tony Parker le parrain, Edwige Lawson-Wade en sera la tatie. Avec la première, elle a fait sauter la banque des JO de Londres l’été dernier pour y soutirer l’argent. Avec le second, elle a en commun une carrière américaine à San Antonio, où son mari James Wade Jr est désormais entraîneur assistant. Avec les deux, d’être un meneur et l’un des plus grands talents de la balle orange que l’Hexagone ait enfanté. Pas par la taille, la meneuse culminant à un modeste mètre soixante-sept. Par la vista et le palmarès, long comme les jambes d’un pivot, qui l’a vu dominer l’Europe avec Valenciennes (2001-2004) - "les années où j’ai gagné le plus de titres" - et les clubs russes (2004-2009) avec "toutes les meilleures joueuses européennes et mondiales". À 33 ans, elle prendra sa retraite à la fin de la saison après le championnat d’Europe, dernier défi qu’elle relèvera devant le public français. Elle pourrait goûter, comme en 2001, à la douceur d’un couronnement continental à domicile. Avant de vivre une dernière expérience humaine, lors du Run Ball, avec ses partenaires et amies de bleu vêtu. Puis de se consacrer à sa vie personnelle. Et au basket, les deux choses étant intimement liés.
Vous n’avez pas de regrets huit mois après votre finale des Jeux largement perdue face aux Américaines (86-50) ?Edwige Lawson-Wade : "On était déconcentrées, on avait eu notre médaille et on n’a pas approché le match comme il aurait fallu le faire. Il n’y avait pas une différence entre elles et nous de 40 points. Avec tout ce qui s’est passé autour de la médaille, on y pense plus. C’est une bonne leçon pour les générations à venir de savoir qu’il faut continuer la compétition jusqu’au bout. Mais ça ne nous a pas empêchées de dormir.
De toute façon on ne dormait plus à la fin des JO !
Vous étiez également très disponibles pour communiquer et valoriser votre sport ?
On a essayé de l’être au maximum. Ça faisait longtemps qu’on demandait à être médiatisées et c’est le minimum qu’on pouvait faire. C’est bien tout ce qui se passe autour du basket féminin. Peut-être aussi parce qu’il y a le championnat d’Europe en France. C’est l’occasion de montrer notre sport.
Vous vous rendiez compte de cet engouement pendant les Jeux ?
Sur le moment, non. Mais quand on est rentré, on s’est rendu compte que les gens nous avaient beaucoup suivies. Après on a compris qu’il s’était passé quelque chose de spécial.
Est-ce que le cadre des JO, avec le village et le mélange avec les autres athlètes, vous a aidé ?
C’est une compétition tellement incroyable que ça a tendance à porter. Si on avait été vice-championne du monde, ça n’aurait pas eu le même effet. Tous les autres athlètes français qui nous suivaient et qu’on croisait, des nageurs, des handballeurs, au début ça nous choquait un peu. On se disait "ah ouais, ils nous ont vues !". Je pense que ça a tendance à pousser les athlètes à battre des records.
Vous avez ensuite été décorée de l’ordre national du mérite. Un honneur ?
Un très grand honneur. La cérémonie à l’Élysée, être reçue par le Président... En plus c’est un moment qu’on a pu partager entre nous. C’est un des très grands moments de ma vie. Très émouvant.
Vous avez connu plusieurs époques en équipe de France : vous avez été la petite jeune en 98, à 18 ans, et "l’ancienne" en 2012, à 33 ans. En quoi elles étaient différentes ?
Avec la génération 2001, les filles étaient vraiment des tueuses. Avec celle des JO c’était des "petites gamines" là pour s’amuser, se faire plaisir et qui montraient leurs émotions. C’est aussi ce qui les porte. Ce sont des mentalités complètement différentes.
Les deux vous convenaient ?
Ben moi je m’adapte ! C’est un sport d’équipe.
Qui façonne cet état d’esprit ? Les joueuses, les entraîneurs ?
C’est une génération (les Braqueuses) qui est depuis longtemps sous la houlette de Pierre Vincent (le sélectionneur) qui a toujours été très protecteur. Alors qu’en 2001 c’était des filles qui annonçaient partout qu’on allait être championne. Isabelle Fijalkowski quand elle parlait, c’était pour dire ça. Yannick Souvré pareil. Après tu suis. Tu te dis que c’est comme ça qu’il faut penser. (Aux Jeux) les leaders disaient qu’il ne fallait pas mettre un pas avant l’autre, ne pas se mettre la pression. C’était l’état d’esprit du groupe. Il y a des côtés positifs et négatifs dans les deux. L’important c’est que l’équipe tourne bien ensemble.
Vous êtes désormais dirigeante, vice-présidente de la Ligue féminine et élue au comité directeur de la Fédé. Vous voulez continuer à œuvrer pour le basket féminin ?
J’avais envie de continuer, d’apporter mon expérience. Je pense que Jean-Pierre (Siutat, président de la FFBB) a une vision très moderne pour continuer à faire progresser le basket. J’espère pouvoir l’aider. Essayer d’aller plus vers les gens, continuer à se démener et mettre de l’énergie.
Il y a le Championnat d’Europe en France, en juin, que vous avez déjà gagné en 2001. Ça ressemble à la fin parfaite ?
Ça, on ne le sait pas encore. Ça pourrait l’être le 30 juin (jour de la finale)...
Et après le Run Ball...
Oui. On a été très gentiment invitées pour faire un camp et rencontrer les Réunionnais avec un match de gala à la fin de la semaine. Les gens vont être contents de voir l’équipe de France. C’est quand même à 11 heures d’avion et on ne peut pas y aller comme ça. Mais le timing était parfait et toutes les filles sont contentes de venir et de profiter de l’île, qui est un superbe endroit et que l’on va découvrir.
Le jeu ne vous manquera pas après votre retrait des parquets ?
Je ne sais pas. On verra. Ça fait quand même 17 ans que je suis professionnelle, sans compter les saisons doubles (avec les compétitions internationales et la WNBA, Ndlr). Je sens que je veux arrêter. C’est le moment. J’ai aussi d’autres projets qui ne sont pas tous autour du basket. Peut-être que ça me manquera. J’espère que non. Mais de toute façon je resterai dans le basket à Montpellier, à la fédé, à la ligue féminine, avec des camps de basket que j’organise pour les joueuses professionnelles encadrées par deux entraîneurs américains qui leur permettent de découvrir ce niveau...
Propos recueillis
par Hervé Brelay
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