La logique aurait voulue que les Aiglons posent leurs pattes sur la Montagne. Que les leaders de la Régionale 1 fassent tranquillement leur nid chez le pensionnaire de Régionale 2. Mais la logique, elle s’est gentiment rangée, hier, au gymnase de la Montagne, pour laisser place aux débordements de joie des locaux. Camouflée qu’elle était derrière l’envie du CO Montagne, qui après avoir sorti Saint-Leu en quart de finale, s’est offert un rêve de plus, en se qualifiant pour la finale. Ils y retrouveront le BCD, tenant du titre, le 18 novembre à Flacourt. Pour un autre derby après celui qui les a donc vu dominer hier les Aiglons et faire rugir de plaisir une salle qui a vibré au rythme des Montagnards jusqu’à la libération du coup de sifflet final.
Celui qui permettait aux locaux de faire coup double dans cette coupe, éliminant successivement deux clubs de l’élite régionale. "L’objectif étaitd ’en faire un, et on en a fait deux", appréciait John Thibout, entraîneur joueur, en compagnie de Kay Botterman, de cette équipe de "copains, que ce soit ceux qui sont sur le terrain comme ceux qui restent sur le banc". À l’image de Gilles Dumoulin, 49 ans, qui se battait comme un pupille sous l’arceau. Et qui a apporté sa contribution, dans le sillage d’une triplette magique composée de Kay Botterman, John Thibout et Hakim Derras. Les deux premiers en artilleurs, le dernier en tour de contrôle de la raquette. Les premiers enquillant les paniers, le dernier les nettoyant, captant un nombre impressionnant de rebond. Hakim, heureux de ce "très gros match". Lui qui était au commencement de cette équipe, "il y a deux ans et demi quand on était que quatre ou cinq à l’entraînement", qui s’apprête à disputer une finale du Trophée de France. "Jamais je n’aurais pensé rivaliser avec des clubs comme cela. Mais il y a une bonne ambiance chez nous. On joue avec notre coeur".
Présent dès les premières secondes dans une vague bleue surprenant les Aiglons. Partis avec 7 points d’avance au tableau d’affichage qui en comptait 12 après le premier quart-temps (34-22) dans le sillage d’un duo Thibout-Botterman inarêtable (11 et 10 points chacun). Leur défense en zone 2-3 gênait les Aiglons, qui malgré les trois points de David Fong Kiwok n’émergeaient pas. Noyé par ces étonnants montagnards emplis d’énergie. "On ne s’attendait pas à cette intensité", lâchera à la fin de la rencontre un Patrick Lacaille, entraîneur des Aiglons, forcément déçu, comme son capitaine Jerry Boyer, mine figée après-match. "On a courru après ces 7 points de retard tout le match et avec 14 points d’avance pour eux à la pause, c’était compliqué dans la tête".
Car en plus, les Montagnards ne lâchaient pas. Agressifs dans les duels, généreux dans l’engagement et incroyablement adroits aux shoots, ils pointaient avec 20 points d’avance (67-47, 23’) après le retour des vestaires, suite à un panier avec la planche improbable de Derras alors que Kay Botterman haranguait le public. Dans cette folie, les Aiglons allaient quand même relever la tête, qui s’affaissait dangereusement, profitant d’une baisse physique des locaux, qui ne bénéficiaient évidemment pas de la même rotation que leurs adversaires. Ils revenaient à 8 points à l’entame de la dernière période. Puis à 4 (77-73, 33’), puis à deux (78-76, 34’), puis à un (80-79, 35’). La Montagne pliait. Les Aiglons griffaient.
"On ne voulait pas lâcher"
Mais "on y était, on ne voulait pas lâcher", estimait Hakim Derras. Alors la Montagne a soufflé le froid sur cet enthousiasme, s’est remis en ordre de marche et retrouvé sa folie et sa réussite pour aller s’asseoir en haut du tableau d’affichage sans jamais qu’il ne soit dominé par leurs visiteurs. Pris dans un engouement que l’on aimerait voir plus suivant sur les terrains de basket locaux. Celui d’une équipe assise sur des qualités individuelles au service du collectif. Qui est allée chercher le plus grand résultat de l’histoire de ce club dont l’équipe féminine évolue dans l’élite à l’envie.
Qui en vivra un encore plus grand, le 18 novembre, face au BCD, en finale à Flacourt. Qui plus est avec un état d’esprit irréprochable, qui leur faisait saluer l’adversaire du soir, malgré une arcade ouverte pour John Thibout après un contact avec Jerry Boyer. "Pour faire un beau match, il faut des belles équipes", soulignait-il, alors que Patrick Lacaille lui rendait la pareille, avant de se quitter. Provisoirement, sûrement. Car bien placé en Régionale 2, les Montagnards devraient se frotter l’an prochain tous les week-ends aux clubs de l’élite. Ils ont d’ores et déjà montré qu’ils en avait le niveau.
Hervé Brelay