31 juillet 2007

SENEGAL : Amadou Gallo Fall, manager général des Lions du basket : «Je suis frustré !»

Les Sénégalais ont sauvé la face en rejoignant le tournoi de Monastir en Tunisie avec presque une semaine de retard. Les Lions qui ont atterri hier aux premières heures de la matinée à Tunis, ont conclu avec brio ce tournoi préparatoire pour la Can en gagnant l'ultime rencontre contre la Tunisie : 68-67. Une équipe tunisienne qui a remporté trois rencontres décisives contre le Maroc, avant de s'incliner face à des Sénégalais pourtant bien éprouvés par le long voyage. Ce succès de la bande à Malèye Ndoye est une belle manière d'entamer la dernière phase préparatoire qui débute aujourd'hui en Italie où le Sénégal jouera contre la Serbie, l'Australie, la Grèce, le Vénézuela, voire l'Italie. Juste avant ce viatique italien, Amadou Gallo Fall, s'est arrêté sur une évaluation à mi-parcours de la préparation sénégalaise suite aux impairs notés lors des deux premières phases, américaine et tunisienne. Le manager général des Lions nage entre déception, frustration … et optimisme pour l'atteinte du sommet basketballistique africain du 26 août prochain en Angola.

BOLY BAH LEQUOTIDIEN



Gallo FALL
Gallo FALL
A jour-j moins -16 de la Can, quel est le bilan d'étape de la préparation des Lions ?

(Soulagé) Je me réjouis que l'équipe soit finalement arrivée à Monastir. Certes, nous sommes venus avec du retard, mais les garçons ont eu l'opportunité de jouer contre la Tunisie. Il y a quelques semaines, nous avons établi le programme dans son ensemble et dégagé des perspectives. Pour rappel, dans le schéma initial de préparation, il nous fallait dans un premier temps regrouper nos meilleurs éléments à Dallas et essayer de jeter les premières bases de construction d'un groupe aussi bien au niveau individuel, qu'au niveau des schémas techniques et tactiques. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Nous avons dû réajuster le programme. Tout manquement dans cette étape peut porter préjudice par rapport au schéma d'ensemble. La durée a été écourtée. Nous avons prévu de jouer quatre matches, malheureusement, nous avons déclaré forfait contre la Chine puisque l'équipe n'était pas sur place. Il n'y avait que six éléments sur l'effectif. Cependant, nous avons joué contre la sélection américaine des moins de 20 ans qui est l'actuelle médaillée d'argent au championnat du monde junior qui vient de se dérouler en Hongrie. Nous avons renforcént le groupe avec des jeunes qui nous réconforte par rapport à l'avenir du basket. Et ces jeunes jouent à des postes qui ne sont pas bien lotis. Nous devons continuer à travailler dans ces secteurs pour développer notre pool de talents en position arrière pour qu'on ne soit pas confronté à des insuffisances. Nous avons été encouragés par des jeunes comme par Pape Djiby Koté qui se sont bien comportés à ce camp de Dallas. Puis, nous avons joué contre la sélection américaine. Avec quatre éléments sur les seize, nous avons fait comme nous avons pu mais cela nous a permis de voir d'autres éléments. C'est une autre expérience.


N'êtes-vous pas déçu ?

J'essaie de voir le bon côté des choses. Nous avons joué deux matches contre la Belgique. Sur les quatre rencontres prévues à Dallas, nous n'en avons joué que deux. Nous devions rejoindre la Tunisie après une escale de 24 heures à Dakar pour jouer quatre matches, ici à Tunis, avant de continuer sur Milan, à Bornéo pour la dernière phase. Malheureusement l'équipe n'est arrivée qu'aujourd'hui (hier lundi). N'empêche, nous sommes très excités par rapport à la dernière phase parce que pour une fois, nous avons l'occasion d'avoir la sérénité, d'être dans un endroit et de jouer des matches de très haut niveau avec des équipes de classe mondiale notamment la Serbie, l'Australie, l'Autriche et probablement le Vénézuela. Nous avons déjà cinq matches de calés, nous avons même l'option de jouer contre l'Italie puisqu'on sera dans un centre de préparation. C'est dire que dans l'ensemble, nous avons beaucoup de leçons à tirer. Dans le sport de haute compétition, surtout quand on a affaire à des joueurs et un staff professionnel, il est important que les programmes établis soient suivis à la lettre. Parce que certains errements et manquements ne pardonnent pas. Là, nous essayons de réajuster tout en restant motivés et enthousiastes parce que nos jeunes en veulent. Donc, nous abordons cette dernière phase avec enthousiasme et en ne nous attardant pas sur les problèmes survenus. Nous ne les négligeons pas pour autant et allons tirer les leçons parce que cela fait des années que nous avons le même problème et notre basket mérite mieux.


Quel impact peut avoir ces errements sur la préparation ?

Pour le moment, je ne veux parler d'impact négatif. Mon attitude sera toujours positive, il y a d'autres batailles à mener. Il y a un groupe à motiver et à mettre sur pied. Il y a, certes, un manque à gagner. C'est regrettable. Je ne pense pas qu'on puisse continuer à travailler dans ces conditions .


Qu'est-ce que vous préconiseriez pour que pareille situation ne se répète plus ?

Il faut que chacun assume ses responsabilités parce que c'est un travail d'ensemble. Nous n'allons pas pointer du doigt sur telle ou telle personne car ce n'est pas dans l'intérêt de l'équipe puisqu'on est dans le même bateau. Mon rôle est de contrôler, de galvaniser, d'organiser. Mais il faudrait que chacun, à son niveau de responsabilité, s'assume parce que il y a des détails que je ne pouvais pas m'imaginer ni prévoir même dans mes rêves les plus fous.

Lesquels ?

(Dépité) Des histoires de visas !!! Manque de vols d'avion… il faut des concertations à la fédération et que les responsabilités soient dégagées. Cela ne fait pas honneur à notre image. Quand nous sommes invités dans un tournoi où les autres engagent certains préparatifs. Et où, chaque équipe a son programme, et a un nombre de matches qu'elle cible. Au lieu de jouer quatre matches, on en joue un seul et à Dallas sur quatre matches, on en a joué deux. Mais ma préoccupation, c'est par rapport à l'état mental de mes joueurs. Heureusement que ce sont des pros et qu'ils ont su gérer la situation sans faire de vagues. C'est un grand mérite, mais il ne faut pas qu'on se voile la face, si on veut monter sur le podium, il faut qu'on se mette à niveau. Il faut que le professionnalisme se reflète à tous les niveaux. Le support administratif est très important dans toute organisation. On peut avoir les meilleurs joueurs au monde mais cet aspect ne peut être largué. Il ne peut pas être en reste par rapport à l'infrastructure qu'il faut mettre en place. Si nous voulons être accompagnés par Nike qui est le leader mondial en termes d'équipement sportif, il y a un certain standing qu'il nous faut aspirer à atteindre. Ce n'est pas par hasard que Nike nous a choisi comme partenaire.


Le contrat est-il entré en vigueur ?

Absolument, nous avons un accord promotionnel avec une durée de deux ans. La finalité, c'est d'aller aux Jeux Olympique de Beijing en 2008. Là, on est sur les compétitions qui mènent aux JO, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Nike compte nous équiper en matériel, les équipements de préparation, le support…Pour cette année, et par rapport à l'accord, nous n'aurons pas le choix en terme de design et de couleur mais pour les Jeux Olympiques, tout est calé et nous avons participé à l'élaboration du design de ces produits. Nous allons nous battre aussi bien chez les garçons que chez les filles pour la qualification même si nous n'imaginons pas une non-qualification qui n'a aucun impact par rapport à la durée du contrat.


Gallo, pourquoi le groupe n'est pas au complet ?

En venant à Tunis, nous savions déjà que Sam (Vincent) va nous rejoindre à Milan. Et, à cet effet, nous avons demandé à ce que ses titres de voyages soient émis. Nous attendons d'avoir les nouvelles de Desagana Diop en Italie, il faut dire que son absence a été prévue depuis Dallas.


Pourquoi Sam Vincent, l'entraîneur national, n'est pas avec l'équipe ?

Il y a eu des changements. Sam est passé entraîneur titulaire de Charlotte Bobcats. Il était venu à Dallas le 29 juin, mais l'équipe n'était pas sur place. L'idée était qu'il soit à la première phase, qu'il mette en place ses structures. Il est venu, mais l'équipe n'était pas prête. Il a laissé un play-book à ses adjoint parce qu'il a eu de nouvelles obligations. Après, il devait nous rejoindre à Dallas, mais on ne savait pas quand est-ce que l'équipe serait à Dallas. Mais, il est quand même revenu rencontrer le staff, et est reparti à Charlotte. Il y a certaines choses que le professionnel ne peut pas accepter, mais il va nous rejoindre en Italie.


Y aurait-il un déficit de communication entre le staff technique et l'administratif ?

Je ne pense pas que cela soit un déficit de communication, puisque tant qu'on travaille dans l'informel, on ne peut parler de communication. Vous avez l'info quand elle existe. A l'état actuel, où on est pro ou on ne l'est pas. Tant qu'il y a la volonté, on peut essayer de trouver des solutions, mais on ne peut pas gérer des détails et piloter un bateau.


Le Sénégal avait 13 matches à jouer et là, on sera sur le coup de 8 matches sur 13, quel est le sentiment qui vous anime ?

Je suis frustré ! Je suis embêté par rapport à nos joueurs qui sont des professionnels avec qui nous nous sommes engagés de travailler sur un schéma intensif et de manière ininterrompue, de voir qu'ils sont quelquefois dans des situations où nous n'avons pas de réponses par rapport à des questions banales : quand est-ce qu'ils vont partir du Sénégal ? Ou qui se retrouvent dans des situations où ils ne savent pas à quelle date il faut partir. Ce sont des données frustrantes. Cependant, l'impact sportif va dépendre de leur force mentale. C'est ce que je leur ai dit à la descente de l'avion (Ndlr : l'entretien a été réalisé avant le match Sénégal-Tunisie). Là, ils vont jouer contre la Tunisie. Mais, c'est dans la nature de la compétition. Il faut savoir créer son propre environnement, car tout ne s'offre pas sur un plateau d'or. Il faut avoir les yeux rivés sur l'objectif quelles que soient les difficultés. Certes, c'est plus facile à dire qu'à faire, mais nous n'avons pas le choix. Le pays est engagé dans une compétition africaine et nous avons beaucoup de fierté dans notre basket. Il nous faut mettre cela de côté et continuer à nous focaliser sur notre objectif. Maintenant, cela ne nous empêche pas de tirer sur la sonnette d'alarme sur les questions à améliorer pour qu'on cesse de tergiverser et à perdre du temps pour des détails. Nous n'allons pas réinventer la roue, mais il faut mettre de la bonne volonté et continuer ce travail en nous donnant les moyens logistiques et des gens pour planifier à temps pour que chacun comprenne que quel que soit le niveau de responsabilité, il joue un rôle important.


Avec cinq matches manqués sur les huit inscrits sur le calendrier, ne pensez-vous pas que c'est prétentieux de vouloir viser le podium ?

(Rire) Ce n'est jamais dans la nature de l'athlète. Nous n'allons pas baisser notre ambition. Nous visons le ciel et ce sera toujours notre attitude. On a toujours des raisons de baisser les bras, mais l'excuse n'est pas une raison. Et c'est le côté compétiteur que j'aime chez les athlètes. Là, nous allons nous concentrer au maximum sur les cinq matches qui nous restent pour tirer le meilleur de nous-mêmes. Histoire de savoir qui sommes-nous et jusqu'où nous sommes capable de nous adapter. Nous allons essayer d'apprendre le maximum de nous-mêmes, voir jusqu'où nous pouvons pousser nos limites.


Quel est l'intérêt sportif de jouer contre la Serbie. Le Sénégal ne risque-t-il pas de prendre des raclées ?

Vous serez bien surpris. Je me rappelle en 1998, on a joué contre les meilleures équipes, mais nous avons présenté des arguments. Maintenant, il faut que nous apprenions à avoir confiance en nous. C'est vrai que la confiance ne règne pas. Déjà en 1998, on avait ce même problème. Mais si nous visons l'élite, il faut aller chercher les grands. Déjà, nos joueurs sont dans l'élite, donc il n'y a pas de raison qu'on se limite. L'idée est d'être au top, il faut jouer contre des équipes réputées les meilleures. Pour être le meilleur, il faut battre les meilleurs. On cherche des équipes fortes qui vont nous poser des problèmes que l'on va chercher à résoudre. Ces mêmes solutions, nous allons les appliquer contre nos adversaires, car il y a des équipes fortes en Afrique.


Mardi 31 Juillet 2007
Amadou Lamine NDIAYE