12 mars 2013

TUNISIE : Walid Gharbi (sélectionneur des dames)

«Prêtes pour sortir du gouffre…»

• «L’adresse est l’énorme problème des basketteuses tunisiennes»
• «Développer un projet de jeu à moyen terme…»
• «Une génération de cadettes qui promet»

Contrairement aux messieurs, les basketteuses tunisiennes attendent toujours des lendemains meilleurs. Fortes d’un prestigieux héritage et d’une énorme notoriété, nos dames en basket ne vivent pas leurs meilleurs moments. On attend un retour au premier plan d’une sélection relookée revue et construite autour d’un projet de jeu et de la vivacité juvénile. Notre invité est Walid Gharbi, entraîneur confirmé, qui essaye de redorer le blason de la sélection dames avec en point de mire le championnat d’Afrique des nations. Il nous parle des perspectives de sa sélection et des peines du basket féminin en Tunisie. Interview.

Pour une sélection à court de résultats, quelle est votre priorité en tant que sélectionneur?
Ça fait un an depuis que j’ai pris les commandes du cinq national féminin. J’ai essayé d’abord de changer l’effectif à raison de 60% avec 5 joueuses promues ayant moins de 18 ans, une ayant moins de 17. Nous avons conservé des joueuses de métier comme Rym Gannar, Salma Menassria et Héla M’sadek, mais la priorité a été pour la reconstruction de la sélection. Faute de compétition, on a dû axer plus le travail sur l’initiation d’un nouveau projet de jeu basé sur l’agressivité défensive, le jeu rapide et fluide et l’adresse dans les tirs.
Avez-vous les ressources et la qualité des joueuses pour ce projet ambitieux malgré les difficultés cumulées?
Je dirais qu’il faut d’abord un bon projet de jeu et par la suite une détection des meilleurs éléments pour l’appliquer. Je vais être direct : il y a de la qualité chez les joueuses surtout chez celles qui ont 18 ans. Au-delà des noms, l’essentiel est que la sélection joue avec le même système efficace et ne plus dépendre de l’absence d’une ou de deux joueuses.

Peut-on rêver d’une génération dorée comme ce fut le cas avant?
Depuis la finale du championnat d’Afrique en 2000 à Radès, nous avons constaté une ruée vers le bas. Et même quand nous avons gagné le titre africain en junior, ça n’a pas eu d’effet sur les seniors. Et la raison essentielle, c’est qu’on manque d’une moyenne respectable de matches internationaux de haut niveau. C’est pourquoi ces générations n’ont pu sauvegarder le palmarès riche de leurs aînées.

Et qu’est-ce que vous allez faire pour résoudre le problème de disponibilité?
Vous avez mis le doigt sur le casse-tête chinois qui frappe le basket-ball féminin. Il y a des joueuses qui jouent bien, qui progressent, mais qui régressent à l’âge de 23 ou 24 ans. C’est pourquoi on a insisté sur les joueuses agées de 18 à 20 ans. Si on leur réserve un calendrier intense en matches internationaux et en compétitions à gros enjeux, elles se donneront à fond pour 4, 5, voire 6 ans. Si elles sont motivées, elles seront toujours là; sinon, il y aura d’autres plus jeunes qui débarqueront et prendront le flambeau. C’est le système de la sélection qui compte plus que les noms.

«Les messieurs comme modèle…»

Ça ne vous gêne pas l’écart énorme qui vous sépare des messieurs? N’est-ce pas une pression de plus?

Quand on voit le parcours des messieurs qui les a amenés du bas de l’échelle au top de l’Afrique, on ne peut qu’être fier et content. Ils ont eu un programme de matches de haut niveau, des moyens et des stages fournis avant la compétition. Adel Tlatli et ses joueurs ont réussi, et c’est pour nous un modèle.
Nous n’avons pas un complexe vis-à-vis d’eux. Je dis à mes joueuses une seule chose: faites comme les garçons, gagnez et l’argent viendra par la suite. On demande juste des matches internationaux et un programme de préparation dense.

Vous jouez le championnat d’Afrique en septembre prochain (du 20 au 29), êtes-vous prêts pour tourner la page du dernier fiasco?

Ça va être un rendez-vous considérable pour nous. On a le temps qu’il faut pour partir en bonne forme. Nous n’avons pas les moyens de gagner, mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes prêts pour sortir du gouffre en Afrique. Un classement honorable et surtout des progrès dans le jeu et beaucoup de confiance pour les jeunes, c’est ce qui m’intéresse le plus. Avant cela, nous disputerons les Jeux de la Francophonie du 7 au 15 septembre.

Quels sont les qualités et les défauts de vos joueuses?
C’est une sélection où il y a un talent jeune et émergent. Nous n’avons pas de joueuses de grande taille, ou des joueuses qui ont une bonne expérience, mais c’est un noyau dur technique ayant une grande envie de progresser et qui peut assimiler diverses options de jeu. Sauf qu’il y a un problème de disponibilité, de choix (une base de plus en plus restreinte) et d’adresse dans les tirs. Je compte beaucoup sur les clubs pour améliorer le taux d’adresse de nos joueuses, avec également la vitesse et la prise d’initiative en attaque.

Etes-vous optimiste quant à l’avenir du cinq féminin ?

Je le suis vraiment. Nous partons d’une étape assez difficile où nous cherchons un levier et un point de relance. Ça va être une nouvelle sélection qui aura un autre visage et d’autres options de jeu. Quand je vois la génération des natives de 1997 et 1998, je ne peux qu’être optimiste pour l’avenir. Elles ont la bonne morphologie, elles sont douées. L’idée est de rassembler un groupe de 30 à 50 cadettes pour en détecter les meilleures. Le basket-ball féminin ressurgira avec les matches pleins, avec les gros moyens justifiés par des performances, mais aussi avec les clubs qui souffrent beaucoup, en ce moment, pour tenir leur rôle. Et pourquoi pas une sous-direction nationale chargée des féminines? Ça va être le premier pas à franchir sur le plan institutionnel.

Auteur : Rafik EL HERGUEM