08 février 2007

TUNISIE : Limogeage des entraîneurs ou divorce à l'amiable

La grande mode

Á l'issue de la première phase, ils sont dix entraîneurs à avoir connu l'amertume du limogeage, la contrainte de la démission ou un divorce à l'amiable, quand l'une des parties est poussée vers la sortie.

L'entraîneur est devenu le bouc émissaire par excellence, le souffre-douleur idéal, la proie facile ou la cible rêvée. Il est celui qui est vers lequel on pointe le doigt accusateur et qu'on tient pour responsable de tous les maux.

Les justifications favorites des responsables se résument à deux ; crises de résultats ou le courant ne passe plus entre l'entraîneur et les joueurs. Pourtant certains ont fait leur preuve et prouvé ce qu'ils valaient en couronnant leur travail de résultats plus que satisfaisants et parfois même surprenants.

Jamec Pranislav permettait, pas plus loin que 2005, aux Monastiriens de brandir le trophée de champion et de disputer la même année une finale de coupe. Zouheir Mouelhi réalisait le rêve de tous les Grombaliens en les menant vers une victoire historique en coupe de Tunisie et un premier titre contre le champion nabeulien puis jetait le tablier pour ne pas se faire piétiner par des joueurs trop gâtés. Mohamed Toumi assurait aux Etoilés une progression nette et contribuait à l'éclosion de jeunes espoirs du basket tunisien. Son équipe était classée 2e quand il fut démis de ses fonctions. Mounir Nefzi réalisait à la tête des Clubistes un début de saison exemplaire, sans une seule défaite, mais ce n'était pas suffisant aux yeux des décideurs pour mériter de continuer à diriger l'équipe.

Mohamed Zaouali préférait se retirer et Faouzi Madhi était remplacé, victime d'une loi interdisant le cumul des fonctions pour les professeurs d'éducation physique et les assistants à l'ISSEP. Le C.A.B, avant-dernier au classement, en est à son quatrième entraîneur depuis le démarrage de la saison. Même le dernier, le S.S.Kasserine n'a pas échappé à la règle en limogeant son entraîneur. Idem pour les féminines dont cinq clubs sur huit ont changé de coach avant la trêve.

Á croire que cela est devenu la grande mode en Tunisie si nous nous référons à ce qui se passe également en football.

Au stade où sont les choses nous sommes en droit de nous poser plusieurs questions :

- La confiance est-elle une faveur accordée momentanément à l'entraîneur pour la lui retirer au premier faux-pas. Et d'abord pourquoi doit-il être l'unique coupable de ce faux-pas ?

- N'y a-t-il dans les clubs rien à revoir et rien à remettre en question, à part les compétences de l'entraîneur ?

- Ces compétences deviennent-elles une denrée si rare que les dénicher relève du miracle ?

- Toutes les équipes poursuivent-elles désormais les mêmes objectifs et visent- elles toutes le haut du tableau ?

Apparemment d'autres considérations se cachent derrière certains limogeages, des personnes malintentionnées ou intéressées par le poste. Il devient de plus en plus évident que le tissu relationnel est un critère d'embauche autrement important que la valeur intrinsèque.

L'entraîneur n'a pas à payer de sa personne pour assouvir les desseins ambitieux de responsables avides de notoriété. Le technicien censé être le plus habilité à former et à encadrer ses joueurs, exerce sa fonction dans la crainte permanente d'être évincé. Il se trouve à la merci des caprices de pseudo-vedettes assurées de détenir sa réussite et son avenir entre leurs mains, encouragés en cela par l'irresponsabilité de certains responsables.

On ne peut pas construire de grandes équipes si on ne leur assure pas les ingrédients de la réussite ; la stabilité, la continuité et surtout la patience. Car les résultats ne peuvent être que le fruit d'un dur labeur, de la conjugaison des efforts de tous et les succès ne s'obtiennent qu'au prix d'une rigueur à toute épreuve et de valeurs telles la constance et la persévérance.

AIDA ARAB ACHAB



Sons de cloche



Zouheir Mouelhi (Entr U.S.M) :

« La faute aux dirigeants »

« La responsabilité de la fragilité de l'entraîneur et de la précarité de sa situation incombe essentiellement aux dirigeants. Ses derniers protègent les joueurs aux dépens de l'entraîneur. Ils les surévaluent et se trompent donc d'objectifs. Ils font de mauvais calculs et ont des ambitions supérieures à leurs moyens réels. Il y a des entraîneurs aussi compétents et parfois même plus que ceux qui exercent et pourtant ils ne sont pas sollicités. Pourquoi ? Par ce qu'ils exigent des conditions de travail minimales, croient encore en des valeurs et ne tolèrent pas les écarts de conduite. Quand un responsable déclare qu'il a limogé son entraîneur en raison de sa mésentente avec les joueurs, comprenez que c'est un technicien exigeant. Voyez tous les coaches qui ont été écartés, leurs équipes se trouvent exactement au même point où ils les ont laissées. Je pense que les responsables optent plus pour des animateurs qui se plient à leurs exigences que pour de véritables professionnels qui ne badinent pas avec les valeurs ».



Mohamed Toumi (ex-Entr E.S.S) :

« L'impatience des responsables »

« Le problème se situe au niveau de la gestion du basket-ball et de ceux qui s'en occupent. Ce sont les responsables qui tiennent les rênes et détiennent le pouvoir de l'embauche et ils ne pensent qu'à leur intérêt personnel qu'ils croient liés aux résultats immédiats. Quelle que soit la valeur de l'entraîneur, il lui faut du temps pour faire ses preuves. Les résultats ne sont pas tributaires de l'unique compétence du coach mais aussi de la valeur de son effectif, de l'encadrement ainsi que des moyens mis à sa disposition. Les responsables choisissent les entraîneurs selon leur lien affectif ou de camaraderie. Ils aiment prendre l'ascendant sur ces derniers et les mener par le bout du nez. Ils exercent une « agression » sur le coach par leur ingérence systématique dans ses affaires qui touche même le volet technique et oublient de demander des comptes à leurs joueurs ou de les sanctionner pour leur indiscipline ».





Jalel El Kalel (Président de section de l'E.S.R) :

« La contrainte du résultat »

« Si un responsable se sépare de son entraîneur c'est généralement pour un problème de résultat ou quand le courant ne passe plus entre lui et ses joueurs ou certains dirigeants. Mais j'avoue que nous autres avons tendance à vouloir nous ingérer dans tout ce qui est du ressort du coach et à lui mettre la pression. S'ils ne se laissent pas faire, on les attend au tournant, prétextant la première défaite pour les écarter. Certains s'en vont d'eux-mêmes par ce qu'ils sont trop fiers pour se faire marcher sur les plates-bandes ».





A.A.A