24 octobre 2009

SENEGAL : Équilibre attaque - défense, complémentarité entre Mame Diodio et Fatou Dieng, etc.

Moustapha Gaye décortique le jeu de son équipe

L’équipe féminine du Sénégal de basket est sortie victorieuse de sa campagne malgache à l’Afrobasket 2009 en produisant du bon jeu. Un jeu que son entraineur Moustapha Gaye décortique pour nous.

Dans les ruelles de Mermoz, coach Tapha, comme on l’appelle, déplace sa longue silhouette. En cours de route, un homme s’approche et lui sert la main. « Merci coach pour nous avoir donné cette coupe. Tout le peuple est content de vous. Que Dieu vous garde ». Surpris par une telle générosité aussi spontanée, coach Tapha dit merci au passant. C’est ça la vie d’un nouveau champion d’Afrique. Dans la rue, au téléphone, les gens ne cessent de le féliciter. Même le vendeur de pain du coin y va de sa manière. « Avant-hier, j’avais envoyé quelqu’un pour m’acheter du pain. Le vendeur lui a donné gratuitement deux miches en guise de félicitation. Si cela pouvait être comme ça tous les jours », rigole le nouveau champion d’Afrique. Il est revenu avec son équipe de cette campagne malgache, avec une médaille d’or au tour du cou. Une médaille qui avait échappé à l’équipe du Sénégal, il y a deux ans à Dakar. A Antananarivo, l’équipe du Sénégal a présenté un visage plaisant avec du bon basket et un niveau nettement au-dessus de ses adversaires.

Un bon état d’esprit

Une semaine avant le début des championnats d’Afrique, l’équipe avait séduit à Beyrouth lors des Jeux de la Francophonie avec une médaille d’argent au finish. Mais, avec ce parcours au Liban, coach Moustapha Gaye sentait que son équipe n’était pas encore capable d’être championne d’Afrique. « Non ! Ce n’étaient pas les mêmes compétitions. Aux Jeux de la Francophonie, l’équipe du Mali manquait 4 éléments qui ont rejoint après. La Côte d’Ivoire a récupéré ses éléments aussi. Ensuite, il y avait des styles différents de ceux des équipes européennes. Le basket africain ayant ses réalités, il fallait être prudent, nous concentrer sur nos objectifs. Aucune certitude en ce moment là », soutient-il. Même pessimisme aussi lors du début de la préparation. Dans toutes ses sorties dans la presse, au stage de Marius Ndiaye et celui de Thiès, Moustapha Gaye martelait tout haut qu’il « ne promettait rien ». Diversion ou profil bas pour surprendre les adversaires ? « Je ne cachais pas du tout mon jeu parce qu’il y avait beaucoup de problèmes liés à l’arrivée tardive de l’ossature. Certaines étaient venues avant le stage de Thiès, et sont reparties ensuite. D’autres sont restées et reparties après. Je n’avais aucune certitude par rapport à la valeur de l’équipe. J’avais beaucoup d’inquiétudes. Ensuite il n’y avait pas de tournois préparatoires. On s’est rabattu sur les garçons, tout en sachant qu’ils n’ont pas le même style de jeu que les équipes qui vont jouer le CAN. C’était cela mes inquiétudes. Au moment où je le disais, je le sentais sincèrement ». Encore que la préparation pour le championnat d’Afrique était marquée par quelques impairs avec beaucoup de départs et d’arrivées successives. Mais malgré ces aléas, l’équipe a gardé le même état d’esprit. Une prouesse. « On avait commencé avec un groupe local de 17 joueuses et l’on a noté l’arrivée successive des expatriés. Déplacer une équipe locale au CAN aurait été suicidaire parce qu’elle n’avait pas le vécu, l’expérience. Même s’il y a beaucoup de talents au Sénégal. C’est très normal qu’on commence par ces filles pour leur donner leur chance. On a gardé le même état d’esprit. Quelque soit les filles qui sont là, si l’on veut progresser, il faut qu’on garde une ligne de conduite, un fil directeur, des schémas, une organisation dans laquelle tout le monde pourra se fondre. Ce qui fait que malgré les arrivées et départs, nous sommes restés très cohérents dans l’organisation » analyse Tapha.

Equilibre attaque-défense

Au Palais des Sports Mahamasina d’Antananarivo, l’équipe a aussi surpris par son parcours sans faute dans les phases de poule et aussi par une agressivité dans la défense. Une option de Tapha ? « J’aime bien les défenses combinées, alternées, agressives. Par exemple, lors de la finale, si l’on avait laissé le Mali jouer son jeu très posé, amener la balle dans notre raquette facilement, on allait avoir beaucoup de difficultés. Il fallait les chercher haut, perturber leur organisation collective, aller au double marquage, ne pas les laisser réfléchir. Je pense que c’est cela qui a fait la différence lors de la finale. Je ne regrette pas d’avoir instauré une défense combinée, alternée, agressive ». Ce n’est pas seulement la défense qui a fait ses preuves lors de cette campagne, l’équipe réussissait aussi à presque chaque match à dépasser la barre des 70 points. Combinée à une bonne défense, l’écart devenait ainsi considérable à chaque rencontre. Ce qui fait dire à Tapha que la recette est un bon équilibre entre l’attaque et la défense. « Pour être champion d’Afrique, il faut atteindre un équilibre attaque-défense. Si l’on privilégie l’attaque au détriment de la défense, il y a un problème. Je disais à quelqu’un qu’il est plus facile de travailler la défense que l’attaque. Si l’on arrive à scorer à environ 70 points par match c’est parce qu’on a un bon fond de jeu et c’est cela qui a fait la différence », ajoute Moustapha Gaye qui se dit satisfait des deux compartiments du jeu, l’attaque et la défense.

Complémentarité entre Diodio et Fatou Dieng et un bon jeu extérieur

Dans l’équipe du Sénégal, lors de cet Afrobasket, des individualités se sont signalées comme Fatou Dieng. Elue meilleure meneuse lors de cet Afrobasket. Véritable meneuse, à la fois stabilisatrice, gardant le ballon et scoreuse, elle a permis à l’équipe sénégalaise d’asseoir son jeu durant les jeux de la Francophonie et à l’Afrobasket. La venue de Mame Diod,io dans le groupe après les Jeux de la Francophonie, avait présagé une place de remplaçante pour Fatou Dieng. Moustapha Gaye lui a renouvelé sa confiance comme à Beyrouth et en décalant Diodio comme arrière. Une option payante. « On a déjà fait un tournoi préolympique l’année dernière avec Diodio et Fatou en position de meneuses. Toutes les deux ont eu leur chance. On a tiré les leçons de cette campagne. Nous avons pensé qu’au lieu de les alterner, il fallait jouer sur leur complémentarité. Diodio est plus attirée par le panier, plus agressive, adroite, plus athlétique. Fatou plus organisatrice dans le jeu. Donc il fallait jouer sur la complémentarité pour avoir un jeu plus rapide », justifie coach Tapha. Autre nouveauté dans cette équipe du Sénégal, c’est le bon jeu extérieur développé à l’Afrobasket avec une certaine adresse sur les tirs à trois points. « Dans le choix des joueuses, nous avons privilégié celles qui pouvaient nous apporter un plus dans les tirs. Défendre et courir, c’est une chose mais savoir marquer à l’extérieur, ça permet de débloquer le jeu intérieur parce que la défense s’élargit. Nous avons choisi des filles qui savaient marquer de loin et cela nous a facilité la tache ». Ainsi, l’équipe a pu survoler le basket africain. Un basket en mutation, selon Moustapha Gaye. Pour lui, les compétitions sont mieux organisées et les équipes s’organisent mieux au niveau de l’espace, de l’adresse, de la conception.

« Il y a aussi un nivellement de valeurs. Des équipes comme l’Angola arrivent très fort. Attention ! Je pense que dans quelques années, il peut y avoir des surprises si l’on n’y prend pas garde ». Parole de champion d’Afrique...

OUMAR NDIAYE